Il y avait Lucian Bute et Adrian Diaconu. Et leurs adversaires. Applaudis, chouchoutés, admirés.

Et il y avait Martin Desjardins. Il sera l'adversaire de Franci Ntetu, un beau grand garçon de Chicoutimi, fils d'un prof congolais établi au Saguenay. Vous avez déjà deviné que Ntetu est la vedette espérée qui doit gravir des échelons dans la boxe. Et que son escalier est Martin Desjardins.

Desjardins, 31 ans, le visage marqué par les coups, natif de Maniwaki et résidant de Québec, préfère se définir comme un routier de la boxe. Son agent Richard Blouin dit de lui: «Y a personne qui parle de ces gars-là. Des boxeurs qui montent dans le ring en espérant quand même gagner et qui donnent tout ce qu'ils ont dans le coeur. Mais ils ont été choisis par les promoteurs parce qu'on estimait qu'ils n'avaient aucune chance contre les doués qu'on leur oppose.

Desjardins a une fiche de 7 victoires, 16 défaites et 4 matchs nuls. Vous avez deviné que pour arracher quatre matchs nuls, à l'étranger la plupart du temps, il fallait avoir un coeur de lion. «Martin n'est jamais le favori dans un combat. On l'appelle parce qu'il y a toujours quelque part un jeune qu'on veut monter. Mais il se bat toujours pour gagner. Jamais pour perdre», ajoute Blouin.

C'est vrai, il y a toujours un surdoué quelque part qui a besoin d'un escalier pour apprendre et grimper dans les classements. Desjardins s'est battu à Miami, à Halifax, à Calgary, à Edmonton, à Winnipeg, partout où on cherche un vieux routier. C'est un des rares boxeurs, sinon le seul, à avoir affronté Jean Pascal... et Chad Dawson.

«J'avais une fiche de 5-5, je pense, quand on m'a offert Jean Pascal qui, lui, avait un dossier de 9-0 chez les pros. Je le connaissais puisque j'avais boxé avec lui chez les amateurs dans les Gants d'argent. Je savais déjà à 18 ans qu'il serait champion du monde un jour. Il avait quelque chose que je n'aurai jamais. Mais quand je suis monté dans le ring contre lui, je croyais encore que je pouvais gagner. Je crois toujours que je peux gagner un combat, qu'il y aura une ouverture, une imprudence», de dire Desjardins.

Ce soir-là, Jean Pascal l'a envoyé au tapis cinq fois. Il s'est relevé les cinq fois. C'est Richard Blouin qui est sauté dans le ring pour mettre fin au carnage. «Mais j'étais debout», dit le boxeur. Sauf que ce soir-là, il a souffert d'une commotion cérébrale qui l'a laissé avec un violent mal de tête pendant des jours. Mais c'est un routier, il a pris des aspirines et quelques mois plus tard, il remontait dans le ring. Contre un jeune qu'on voulait monter.

«J'aime encore mon sport»

«J'essaie tout le temps de gagner. Mais c'est pas facile. Dans ma vie de tous les jours, je suis manoeuvre dans la construction pour Genietech, une compagnie de Québec. J'aide tout le monde, je ramasse leurs déchets. Que ce soit à la pelle ronde ou au jack drill. Ça assure ma sécurité pour moi, ma blonde et ma petite fille», explique Desjardins d'une voix qui rappelle un peu celle de Rocky.

Il reprend et son visage s'éclaire: «Mais la boxe m'apporte beaucoup. Quelle que soit la supériorité de l'adversaire qu'on a choisi pour moi, c'est un contre un. Il y a la foule, il y a l'adrénaline, il y a le sport. C'est formidable. Et puis, la boxe m'aide à rester en forme. Ça paye mon abonnement au gymnase et ça me valorise. J'étais un petit bum de Maniwaki quand j'ai commencé à apprendre la boxe à 16 ans. Quand j'étais à l'étranger pour des compétitions pendant les fins de semaine, c'était des jours où je ne faisais pas de mauvais coups. Et après toutes ces années, j'aime encore mon sport», dit-il avec beaucoup de chaleur dans le regard.

Martin Desjardins est heureux. La boxe est un bon petit sideline qui paye les vacances. Et qui contribue à forger une identité. Et puis, il a une blonde depuis trois ans, une belle fille de Maniwaki, Judy Lafrenière. Elle est étudiante en économie à l'Université Laval. Le couple a une petite fille d'un an, Abbi-Anne. Il sourit: «Je vais avoir le temps de prendre ma retraite avant qu'elle soit en âge de voir boxer son père», dit-il.

Un marché

Il y a des années, quand la fiche de Martin était de trois petites victoires et cinq défaites, il a dit à son ami Richard Blouin: «Je serai jamais champion du monde. Je veux que tu me trouves des combats.» Blouin a accepté le marché. Sa part à lui n'a jamais changé. «Parfait Martin, je vais te trouver des combats. Mais je veux absolument éviter de négocier un combat de trop».

Le marché tient toujours.

Plus tard, j'étais installé avec un café à l'étage de la Cage aux sports du Centre Bell où avait eu lieu la pesée. Un grand gaillard noir comme le charbon s'est approché. Quand il a commencé à parler avec une trace de l'accent du Lac, j'ai deviné que c'était Franci Ntetu. Il était avec sa blonde et son agent Michel Desgagné, de Chicoutimi.

Élégant dans son manteau de cuir, fils d'un prof d'université et d'une mère infirmière. Lui, il monte. Son escalier l'attendait en bas...

DANS LE CALEPIN - J'ai remonté jusqu'à 1942. Je vais trouver d'autres infos sur les années précédentes, mais c'était la première fois de mémoire d'homme que le Canadien disputait un match inaugural devant ses partisans avec une seule grenouille dans son alignement. Voilà qui va rassurer les gars de Team 990.

Photo: André Pichette, La Presse

Martin Desjardins, 31 ans, le visage marqué par les coups, préfère se définir comme un routier de la boxe.