Si le Canada a subi un véritable camouflet hier, en ne réussissant pas à obtenir un siège au Conseil de sécurité de l'ONU, sa performance économique pourrait nourrir son ego collectif meurtri et peut-être redorer le blason du gouvernement conservateur.

Si le Canada a subi un véritable camouflet hier, en ne réussissant pas à obtenir un siège au Conseil de sécurité de l'ONU, sa performance économique pourrait nourrir son ego collectif meurtri et peut-être redorer le blason du gouvernement conservateur.

Ce que le ministre canadien des Finances, Jim Flaherty, a décrit hier en présentant sa «Mise à jour des projections économiques et financières», c'est un véritable success-story canadien, dans sa résilience pendant la crise et dans sa capacité de rebondir l'année qui a suivi.

Ce succès, on a pu le mesurer vendredi dernier avec la publication des données sur l'emploi pour septembre. Pendant que les États-Unis perdent toujours des emplois, le Canada a entièrement récupéré les 418 000 emplois perdus pendant la récession. C'est un cas unique au sein des pays du G7. Il est également le seul à avoir presque retrouvé le niveau de PIB d'avant la crise.

Ce succès est relatif en ce sens que ces progrès sont essentiellement du rattrapage. Il est également fragile parce que de nombreuses menaces pèsent encore sur l'économie mondiale et donc sur la nôtre, notamment la fragilité de la reprise américaine. Mais le succès est réel.

Le gouvernement conservateur, c'est naturel, s'attribue la paternité de ce succès. Mais il s'explique largement par ce dont il a hérité, une situation budgétaire exceptionnelle et un système financier solide. Quant à son plan de relance, qui n'est pas significativement différent de celui des autres pays industrialisés, il n'aurait sans doute pas vu le jour si les partis de l'opposition n'avaient pas menacé de démettre le gouvernement Harper.

Cette stratégie, annoncée dans le budget du printemps 2009, le «Plan d'action économique du Canada», proposait deux années de stimulation intense de l'économie, environ 30 milliards par année, suivies de cinq ans d'austérité pour revenir à l'équilibre budgétaire en cinq ans. À partir d'avril prochain, on promettait de ramener le déficit - qui devait atteindre un record de 53,8 milliards en 2009-2010 et de 49,2 milliards en 2010-2011 - à zéro d'ici 2015-2016.

Les données d'hier révèlent que, finalement, le déficit de 2009-2010, l'année qui s'est terminée en mars dernier, a été plus élevé que prévu : 55,6 milliards, au lieu de 53,8. L'écart, qui s'explique par des jeux d'écritures, est franchement insignifiant.

Le ministre Flaherty est néanmoins entre l'arbre et l'écorce. Les milieux plus conservateurs souhaiteraient qu'il mette fin rapidement aux efforts de stimulation, parce que l'économie va bien et qu'il faut rapidement s'attaquer au déficit. Les milieux plus interventionnistes l'enjoignent au contraire de maintenir l'effort de soutien, parce que l'économie est fragile et que le taux de chômage reste très élevé dans certaines régions.

Ce débat sur le dosage entre les impératifs de la relance et ceux de la prudence fiscale existe dans tous les pays industrialisés: moins aux États-Unis, paralysés par leurs débats partisans, mais au Royaume-Uni, en Allemagne ou en France, où cela a mené la ministre de l'Économie, Christine Lagarde, à inventer un abominable néologisme, la «rilance».

M. Flaherty n'entend pas changer de plan de match. Il ne prolongera pas les mesures de relance et il amorcera dès avril son virage vers l'austérité. C'est la voie à suivre. Et les chiffres donnent raison au ministre.

Il est vrai que l'économie se ressentira de l'absence de ces dizaines de milliards de fonds publics. Mais elle est assez solide, même si la croissance sera moins forte que prévu l'an prochain, pour se développer sans respirateur artificiel. Et il est également vrai que le Canada a un gros problème de déficit sur les bras.