Un grand ado qui pousse comme une échalote. C'est l'image qui s'impose lorsqu'on regarde Twitter. Un site de réseautage social qui grandit vite, très vite même. Et qui se cherche.

Lundi, le PDG de Twitter, Evan Williams, a cédé la direction au numéro deux de l'entreprise, Dick Costolo, chef de l'exploitation depuis un an. C'est la première fois que cette entreprise, née en 2006, n'est pas dirigée par l'un de ses cofondateurs. (Williams succédait à Jack Dorsey, l'ingénieur informatique derrière Twitter, toujours président de son conseil.)

Non pas que Evan Williams ait échoué. Au contraire. Lorsque cet Américain de 38 ans a pris la direction de Twitter, en 2008, il s'écrivait 1,25 million de messages de 140 caractères ou moins par jour. Aujourd'hui, ce sont 90 millions de message qui apparaissent chaque jour sur ce grand babillard virtuel.

Twitter est populaire aux États-Unis, sans surprise. Mais ce site fait aussi un tabac en Indonésie et au Brésil, où l'on se sert de son sans-fil pour mettre en ligne de petits commentaires par l'entremise du service de messagerie instantanée.

Avec 96 millions de visiteurs uniques en août, selon ComScore (l'une des principales mesures du web), Twitter est le troisième site de réseautage social le plus fréquenté de la planète après ceux de Facebook et de Microsoft. L'entreprise de San Francisco vient juste de dépasser MySpace, propriété de News Corp. Et Twitter pourrait bientôt rattraper Microsoft, avec sa croissance fulgurante de 76% (août 2010 comparé à août 2009).

Le problème «relatif» de cette firme de 300 employés, c'est que les profits ne sont pas à la hauteur de ce succès populaire. «Grossir, ce n'est pas un succès en soi», écrit avec justesse Evan Williams sur son blogue, en expliquant sa décision de céder son poste pour se concentrer sur la stratégie de développement du produit.

Jusqu'ici, les profits modestes de Twitter découlent essentiellement d'ententes que l'entreprise a conclues avec Microsoft et Google pour leur permettre de faire des recherches dans les commentaires des utilisateurs.

Twitter vise haut, selon les projections financières de la firme en date de février 2009 qui ont été piratées par des hackers puis coulées aux médias. Pour la fin de l'année 2013, Twitter ciblait un bénéfice net de 1,1 milliard sur des revenus de 1,54 milliard de dollars américains. Rien de moins!

Mais, comment rentabiliser l'entreprise sans s'aliéner ses 160 millions d'utilisateurs inscrits? «La règle numéro un, c'est qu'on se concentre sur l'utilisateur en premier. Il faut qu'il connaisse la meilleure expérience possible, et cela guide tout le reste», disait Evan Williams dans une entrevue vidéo accordée au site du magazine The Economist, seulement quelques jours avant l'annonce des changements à la direction.

Comme beaucoup de fondateurs, Evan Williams a usé de prudence, en évitant une commercialisation tous azimuts. Il laisse maintenant à Dick Costolo le rôle, aussi ingrat que délicat, de presser Twitter afin d'en extraire les profits. C'est lui qui a à mettre au point le modèle d'affaires de Twitter, quitte à bousculer certaines habitudes.

Costolo, lui-même un entrepreneur (son entreprise FeedBurner a été rachetée par Google) a déjà mis la table pour ce virage.

Twitter s'est inspiré du modèle d'affaires de Google pour tenter de séduire les annonceurs. Depuis avril, Twitter offre aux entreprises la possibilité de commanditer des tweets, qui apparaissent au haut de la page de recherche. Les annonceurs peuvent aussi commanditer des sujets dans les discussions de l'heure.

Best Buy et Starbucks ont été parmi les premières entreprises à inclure Twitter dans leurs plans publicitaires. Coca-Cola, Virgin et d'autres multinationales se sont jointes à elles. Ces annonceurs peuvent vérifier l'efficacité de ces messages, avec des statistiques sur le nombre de fois qu'ils sont redistribués par des utilisateurs à leurs abonnés («retweetés»).

Twitter a aussi refondu son site le mois dernier. Il est plus facile d'y afficher des photos, des vidéos ou des cartes, à partir de YouTube ou de Flickr. Cette nouvelle maquette offre plus d'outils aux professionnels du marketing qui veulent utiliser pleinement le multimédia pour leurs promotions en ligne.

Certains annonceurs ont connu des succès. Les rabais que le transporteur Virgin America a consentis en avril aux utilisateurs Twitter (billets à moitié prix pour les 500 premiers venus), lors de l'inauguration de son service aérien à Toronto, ont fait décoller les ventes.

Mais, tous les annonceurs ne sont pas convaincus. Pepsi, qui a testé la publicité sur Twitter, n'a pas réédité l'expérience, raconte le Wall Street Journal. Les annonceurs veulent pouvoir cibler plus finement les utilisateurs et mesurer avec plus de précision l'impact de leurs campagnes.

Âgée de seulement quatre ans, Twitter vaut 2,6 milliards de dollars américains, selon SharesPost, un site qui établit la valeur des entreprises à capital fermé avant une éventuelle entrée en Bourse, à partir des transactions privées d'achat et de vente d'actions. Mais cette valeur repose sur la capacité de traduire la popularité de Twitter en profits. Or, pour l'instant, cette rentabilité flotte même dans un espace aussi réduit que 140 caractères.