Voici, selon moi, les sept grandes questions auxquelles il faut trouver des réponses avant de se lancer dans l'exploitation des gaz de schiste. Sept questions qui permettraient d'encadrer un débat parti tout croche et de nous mener à une réflexion collective fructueuse.

Voici, selon moi, les sept grandes questions auxquelles il faut trouver des réponses avant de se lancer dans l'exploitation des gaz de schiste. Sept questions qui permettraient d'encadrer un débat parti tout croche et de nous mener à une réflexion collective fructueuse.

• Une question énergétique: la place du gaz dans notre bilan énergétique. Actuellement, elle est de 13,1%, surtout pour l'industrie. Cela pourrait même augmenter dans les années à venir. Il y a consensus à ce sujet, sauf chez les plus militants, parce que cet hydrocarbure peut contribuer à une politique de réduction des émissions de GES en remplaçant le mazout, et même, dans certains cas, l'électricité.

• Une question géologique: le potentiel du gaz de schiste au Québec, les réserves, la production prévisible. Bref, de quoi parle-t-on? Rien n'indique que le Québec deviendra l'Alberta. Mais on sait peu de choses là-dessus, puisque nous sommes encore au stade de l'exploration. Ce sont pourtant des informations essentielles pour circonscrire les enjeux environnementaux, économiques et fiscaux.

• Une question économique: pourquoi produire notre gaz plutôt que l'importer? Les avantages théoriques sont évidents: emplois, injection de capitaux étrangers, transferts technologiques, réduction des sorties de fonds pour acheter du gaz ailleurs, indépendance énergétique. Mais il faut en faire la démonstration et chiffrer ce potentiel.

• Une question politique: le Québec devra faire des choix. Quel est le niveau de production souhaitable pour concilier le développement économique et la préservation de cette ressource non renouvelable? Veut-on limiter le rythme de croissance de l'industrie, par exemple pour satisfaire les besoins locaux? Veut-on augmenter la place du gaz?

• Une question budgétaire: combien de millions ça va rapporter à l'État? Tout dépend de la production et de l'importance de la ponction fiscale par le biais des permis et des redevances. Comment l'État voudra-t-il profiter de cette richesse? Et comment utiliser l'argent: le fonds consolidé ou mettre l'argent de côté dans des fonds spéciaux?

• La question environnementale, évidemment: les risques de ce genre de production - notamment les fuites -, les impacts environnementaux sur l'utilisation de l'eau, sur la contamination de l'eau et de l'air. L'extraction des gaz de schiste est une activité industrielle. Elle n'est pas neutre. Il faut évaluer ces effets, imposer des normes acceptables, définir les meilleures pratiques, notamment en regardant ce qui se passe ailleurs. Il faut aussi comparer ces coûts environnementaux à l'alternative, l'importation de gaz albertain. Et il faut des bases scientifiques objectives. Le documentaire Gasland, au demeurant excellent, ne peut pas servir de guide. Le Québec, avec ses 37 forages, n'est pas la Pennsylvanie, où on compte 8700 puits.

• La question sociale: nos débats ont été déclenchés par les réactions de riverains, inquiets, mal informés, ébranlés par l'intrusion d'une activité industrielle lourde en zone rurale. Ils craignent à juste titre pour leur qualité de vie, la valeur de leurs propriétés. Nous ne sommes absolument pas équipés, au plan légal et administratif, pour encadrer ces activités, informer et compenser adéquatement les citoyens pénalisés, et surtout, les protéger.

• La grande question du développement durable: une fois qu'on a identifié les risques et les impacts environnementaux et sociaux - il y en a -, qu'on a identifié les bénéfices économiques et énergétiques - il y en a -, il faut mettre dans la balance les avantages et les inconvénients, concilier les logiques économiques, sociales et environnementales, concilier le présent et le futur, pour déterminer si le jeu en vaut la chandelle, et si oui, à quelles conditions. C'est la logique du développement durable. Un exercice où le consensus n'est pas possible, parce que les frontières de l'acceptable varieront en fonction de nos valeurs et de nos priorités.