Ce qui frappe beaucoup chez Jean Charest ces temps-ci, lui qui est pourtant dans l'oeil de la tempête, c'est son grand calme, son détachement, qui a notamment fait penser à certains qu'il prépare sa sortie.

En fait, il faut dire que Jean Charest a toujours été plutôt zen, mais il est vrai que ses réflexes philosophiques sont particulièrement aiguisés par les temps qui courent.

Peut-être est-ce, en réalité, son instinct de survie, tout simplement. On l'entend donc souvent «relativiser» ses malheurs en parlant de sa longue expérience politique ou en évoquant le caractère changeant de l'opinion publique ou, plus simplement, la fatalité propre au métier de la politique.

«Le fonds de commerce d'un gouvernement, dans le fond, ce sont les problèmes», disait-il, entre autres choses, il y a quelques semaines. Pas de doute, en matière de problèmes, M. Charest s'y connaît!

Malgré les données extrêmement négatives contenues dans notre tout nouveau sondage Angus Reid, notre très zen premier ministre arrivera peut-être à trouver matière à réconfort.

Bien sûr, les intentions de vote sont dans la cave et l'avance du Parti québécois chez les francophones esquisse une victoire nette de Pauline Marois (quoique, prudence, nous sommes à au moins deux ans des prochaines élections).

Bien sûr, deux Québécois sur trois ne croient pas que Jean Charest a l'habileté de redresser la situation qui afflige son gouvernement et de rétablir la confiance.

Au département des mauvaises nouvelles toujours, le témoignage, la semaine dernière, de Jean Charest devant la commission Bastarache n'aura à peu près rien changé dans son duel de crédibilité avec Marc Bellemare. En avril, 11% des Québécois jugeaient la version de M. Charest plus crédible, contre 58% en faveur de l'ex-ministre de la Justice. Le score est maintenant: 17% Charest, 51% Bellemare, malgré une performance solide du premier ministre devant la Commission. Talleyrand avait raison lorsqu'il a dit qu'«en politique, ce qui est cru devient plus important que ce qui est vrai».

Autre note négative au bulletin de Jean Charest, une majorité de ses concitoyens pensent qu'il devrait démissionner, la moitié d'entre eux souhaitant même un départ immédiat. Oui, mais, par qui le remplacer? C'est là que Jean Charest peut se détendre un peu: en dépit des nombreux boulets qu'il traîne à sa cheville depuis un bon moment, aucun candidat à sa succession ne perce. Aucun sauveur à l'horizon, pas de concurrent tapi dans l'ombre, le couteau entre les dents, pas d'opportuniste populaire planqué en embuscade. Le vide. Et comme la nature a horreur du vide, Jean Charest est pour le moment solidement assis sur son trône.

En fait, on parle plus du départ éventuel de Jean Charest dans les sondages, dans les tribunes téléphoniques et dans les réunions de famille qu'au sein du Parti libéral, ce qui démontre que Jean Charest aura au moins réussi une chose: assurer l'unité et la cohésion de son parti. Dommage qu'il n'ait pas le même ascendant sur l'ensemble des Québécois...

Au sein du PLQ, aucun prétendant ne ressort clairement du lot. Aucun ne fait mieux que 7%. Il faut aller du côté des libéraux fédéraux pour trouver le seul candidat potentiel le plus sérieux (et encore, à 13%), Denis Coderre, qui alimenterait lui-même les rumeurs, selon des libéraux provinciaux. Par ailleurs, son score s'explique en grande partie par sa notoriété, plus grande que celle de tous les autres aspirants de la liste. M. Coderre n'a toutefois pas de racines au sein du PLQ, ce qui lui nuirait nécessairement.

Ici et là, dans le milieu des affaires en particulier, on jongle avec quelques noms, mais rien de très menaçant pour le moment. Chez Desjardins, par exemple, et auprès de gens qui gravitent autour de cette institution, on chuchote le nom de Monique Leroux comme un éventuel successeur. Rien de sérieux pour le moment, toutefois.

Le Maclean's à la rescousse de Charest?

La classe politique québécoise, en particulier la vice-première ministre Nathalie Normandeau, s'est indignée contre la couverture des «affaires» québécoises par le magazine Maclean's.

Et si, dans les faits, ces articles aidaient plutôt Jean Charest?

En effet, les conclusions, et surtout les interprétations sociologiques de la revue, sont tellement exagérées qu'elles forcent même les adversaires politiques des libéraux à défendre le Québec et le gouvernement en place.

Une autre phrase de Talleyrand - «Tout ce qui est exagéré est insignifiant» - s'applique ici fort bien.

La bible, le Coran ou... rien du tout

Vous avez peut-être remarqué que les témoins qui se présentent devant la commission Bastarache prêtent serment la main sur la bible, une pratique qui peut surprendre en cette ère de laïcisation généralisée.

Question de choix, dit-on à la Commission.

«Les témoins ont le choix, dit le porte-parole Guy Versailles. Ils peuvent prêter serment sur la bible ou sur le Coran ou sur rien du tout, par affirmation solennelle.»

N'est-il pas étonnant que l'on demande aux juges de ne porter aucun signe religieux mais que l'on prête encore serment sur la bible dans une commission d'enquête publique en 2010?

Est-ce à dire que ceux qui mentent devant cette commission iront en enfer?