Adrian Diaconu doit être l'ancien champion du monde le moins connu dans sa ville. Qui peut se vanter de connaître Adrian, le Shark? Qui sait qu'il est un homme tranquille, marié depuis plus de 10 ans et père de deux enfants? Qui donc sait qu'il est drôle, avec un sens de l'humour délicieux, qu'il est poli et délicat dans sa vie de tous les jours et qu'il a traversé comme un grand une période triste et noire de sa vie?

Il a fait sa place tout doucement dans les conversations. D'abord à Coral Gables, où il réside pendant le camp d'entraînement du clan InterBox pour la soirée du 15 octobre. Pendant toute la soirée, il y a une dizaine de jours, il était prévenant, faisait le service, ramassait la vaisselle pour la rapporter à la cuisine. Et pendant que Lucien Bute racontait comment il avait obtenu sa maîtrise en administration du sport, Adrian écoutait attentivement en glissant un mot de français de temps en temps: «Méfiez-vous, Adrian comprend à peu près tout ce qu'on dit en français», a lancé Stéphane Larouche en riant.

C'est vrai. Et si ce n'était de sa timidité, Adrian pourrait donner quelques entrevues à la radio et à la télé.

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La semaine suivante, c'est à Lake Worth qu'on s'est retrouvés. Et cette fois, l'invitation était claire. J'avais le goût de raconter aux lecteurs ce qu'était cet homme de 32 ans et comment il s'était remis de ses deux défaites contre Jean Pascal.

C'est vrai. Ça ne pouvait être que pénible, que déprimant. Être champion du monde des mi-lourds et perdre contre un boxeur qui se disloquait l'épaule pendant le match...

Diaconu est fier. Ce n'est pas lui qui m'a allumé sur le sujet. C'est Stéphane Larouche. Mais si Jean Pascal était vulnérable en certains moments ce soir-là, Diaconu était trop blessé pour en profiter. Il me montre son coude et son avant-bras gauches: «Regarde les trous faits par le chirurgien quand il m'a opéré», me dit-il.

On lui a retiré une quinzaine de fragments de cartilage et d'os dans le bras. Il s'était battu diminué et incapable d'enchaîner les coups de la gauche. Le clan n'en a jamais parlé pour ne pas avoir l'air d'être mauvais perdant. En boxe, une défaite est une défaite et les excuses sont pour les vrais perdants.

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Mais ce fut très difficile. Diaconu refuse de parler de dépression ou de moments dépressifs. Mais il parle de tristesse: «J'étais très triste (sad). Je traînais cette tristesse tout le temps. J'ai été quatre mois sans rien faire. Je n'étais pas déprimé, mais je me sentais tellement mal, tellement mal», dit-il avec beaucoup de gravité dans la voix. On sent qu'il n'aime pas ressasser ses moments de défaite.

Il s'en est sorti. D'ailleurs, c'est un homme joyeux et confiant que j'ai côtoyé en Floride. Stéphane Larouche et Lucian Bute m'avaient déjà raconté à quel point Diaconu est un expert de l'internet, un féru capable de tout trouver et de tout utiliser sur l'internet. Demandez un logiciel et Adrian va vous le trouver. Ça prendra le temps que ça prendra, mais comme il le dit, on trouve tout sur l'internet. Et ses connaissances débordent largement Google. Il a une connaissance intime de l'informatique qui me fascine toujours.

Mais ce n'est pas l'internet qui l'a sorti de son blues: «Non, c'est la pêche. Je suis un maniaque de la pêche. J'ai déjà roulé près de 15 heures jusqu'à la baie James pour y pêcher. J'adore la pêche, c'est le hobby idéal pour celui qui veut se vider l'esprit, s'éclaircir les idées. Quand on est un vrai pêcheur, on est en harmonie avec l'eau et la nature et les choses prennent leur vraie place. J'avais besoin de temps pour clarifier mes idées. Je devais me déconnecter de la réalité pour un moment. Et la pêche fait des merveilles dans ce temps-là», m'a-t-il expliqué la semaine dernière à Lake Worth.

Diaconu a déjà été invité à participer à des émissions de télévision sur la pêche. Les professionnels de la canne séchaient dans leur chaloupe pendant des heures avec leurs agrès et leurs équipements haut de gamme. Diacionu flairait le vent, regardait l'angle du soleil frappant l'eau, les roches, les tourbillons, les ombres et disait aux pros: «C'est là qu'il faut pêcher.» Et, raconte Stéphane Larouche qui a été témoin de «l'exploit»: «C'était incroyable. Personne n'avait sorti le moindre poisson. Il a fallu s'arrêter, Adrian aurait vidé le fleuve tellement il sortait des poissons de l'eau.»

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En Floride, le gaillard s'entraîne au même rythme (en tous les cas, il essaie) que Lucian Bute, une véritable bête de somme à l'entraînement. Il est serein et il sait que cette fois, il sera en pleine forme pour affronter Omar Sheika. Mais il est conscient que ce combat est un passage obligé vers un titre mondial: «C'est le combat du retour. Je me bats pour reprendre ma place. C'est un combat très important, je serai prêt», dit Adrian Diaconu.

Et maintenant que je le connais mieux, je le crois.

Photo: Robert Skinner, La Presse

Adrian Diaconu remontera sur le ring du Centre Bell, le 15 octobre, pour affronter Omar Sheika.