Vincent Lecavalier m'avait dit qu'il serait libre vers 11h. Sans donner plus de détails. Je savais qu'il avait subi une arthroscopie au genou et c'est une infirmerie que je cherchais à l'entrée du centre d'entraînement du Lightning à Tampa.

Faisait 35 ºC sous un soleil de plomb à l'extérieur. Mais c'était frais à l'intérieur. J'avais une heure d'avance et comme personne à la réception n'était au courant de ce que je voulais savoir au juste, je me suis dirigé vers la patinoire. Ils étaient une trentaine de joueurs du Lightning et j'ai vite repéré Martin St-Louis qui filait à toute allure entre deux défenseurs.

J'ai reconnu un confrère de la radio qui regardait distraitement le match amical que se disputaient cette belle brochette de millionnaires.

«Je cherche Vincent Lecavalier, où est donc l'infirmerie?

Vincent? Il est sur la glace, il vient tout juste de passer...»

Ce grand gaillard, puissant et allumé, c'était donc mon opéré d'il y a 15 jours? Comment pouvait-il donc participer à ce match disputé à toute allure?

Mais surtout, comment donc ces 37 joueurs, tous bien comptés, se retrouvaient-ils à l'entraînement de l'Éclair de Tampa Bay ce mardi, quelques jours avant le début du camp officiel?

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Plus tard, Vincent Lecavalier, le capitaine du Lightning m'expliquait: «T'as vu le match? Ça patine, hein? Et de 9 à 10h, on a pratiqué nos routines d'entraînement. On était 37 en tout. Les coachs n'ont pas le droit d'être présents, mais c'est bon de se retrouver. D'ailleurs, 37 joueurs, c'est quasiment trop, on n'a pas le temps de jouer à son goût pendant le match.» Lecavalier contenait un petit sourire de satisfaction. Quand 37 joueurs, dont tous les réguliers d'une équipe, demandent la permission à la direction de l'organisation d'utiliser la patinoire pour disputer des matchs amicaux et s'entraîner sur glace une semaine avant le début du camp, c'est habituellement bon signe: «Dans mon cas, c'est assez évident. Je ne suis pas satisfait de mes deux dernières saisons. Je veux remonter au niveau que je peux atteindre et le maintenir. Je prends les moyens pour y arriver. C'est sûr que je n'ai pas encore la game shape, mais je pourrais commencer la saison demain pour le reste. Je suis vraiment en forme», d'ajouter Lecavalier.

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J'étais dans le vestiaire du Lightning, devant le casier de Lecavalier. Le grand capitaine était allé chercher de la glace et prévenir le thérapeute qu'il serait à l'étage pour son traitement. Devant le casier de Lecavalier et entre Martin St-Louis et Simon Gagné. Devant Éric Perrin et le défenseur Mathieu Roy obtenu des Blue Jackets de Columbus pendant l'été par Steve Yzerman. Ça faisait longtemps que je n'avais pas entendu autant de français dans un vestiaire d'une équipe de la Ligue nationale. Et une éternité depuis que trois étoiles francophones pouvaient blaguer ensemble comme trois leaders capables d'inspirer leurs coéquipiers: «C'est une des raisons qui m'ont fait choisir Tampa Bay. Je savais que je jouerais avec un excellent joueur que ce soit sur le premier ou le deuxième trio. Je ne sais pas encore avec qui je vais jouer, mais il y a Martin St-Louis, Vincent ou Steven Stamkos. C'est de l'attaque, ça monsieur», a lancé Simon Gagné en souriant.

«Quand mon agent a contacté quelques équipes, on a eu quelques ouvertures. Mais en parlant à Steve Yzerman et en sachant que Guy Boucher serait le coach, je me suis dit que je serais heureux à Tampa. Guy Boucher est intelligent, il est psychologue et c'est important, c'est pas tous les joueurs qui veulent se faire chier par un coach. Et puis, nous sommes plusieurs francophones et c'est vraiment le fun. Quand on va jouer au Centre Bell le 13 octobre, ça va être comme un match Nordiques-Canadien. Va y avoir de l'atmosphère», de dire Gagné avec un grand sourire sur son visage barbu.

C'est sans doute le fait d'avoir atteint une masse critique. Un Québécois dans une équipe se sent plus timide. Mais quand ils se retrouvent une demi-douzaine des leurs et avec des coachs francophones, comme c'est le cas à Tampa, ils se sentent plus confiants de la simple présence des autres. D'ailleurs, quelques instants plus tôt, Vincent Lecavalier disait son bonheur de se retrouver avec autant de Québécois: «C'est un bon feeling. Je suis content, ça revient comme l'année de la Coupe Stanley en 2004, on était une bonne gang. L'objectif, c'était d'avoir du plaisir en gagnant des matchs.»

Mais c'est dit tout naturellement, sans intention cachée, sans persiflage, comme une vérité vécue au quotidien. Trois grandes vedettes qui font le pouls du vestiaire et qui se reconnaissent dans leur langue et leur culture, ça se sent bien dans sa peau. C'est pas compliqué.

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Mais la différence fondamentale, c'est Steve Yzerman. Faut que vous sachiez que Martin St-Louis n'est pas le joueur le plus facile à interviewer dans la Ligue nationale. C'est un universitaire qui aime se mêler de ses affaires, qui aime jouer au hockey et pour qui les extravagances des médias (et les questions sottes et bêtes) ne sont guère importantes. Mais pour parler de Steve Yzerman et de Guy Boucher, il était prêt se rasseoir et prendre le temps nécessaire: «J'ai passé quelques heures avec Guy Boucher. Il analyse beaucoup ce qu'on lui dit, il réfléchit. On sent que ça compte pour lui. Quant à Steve Yzerman, c'est sans doute le plus gros facteur cette saison. C'est important d'avoir un directeur général crédible. Ça prend du leadership, ça prend un coach, ça prend une pensée qu'on va transférer aux joueurs. Dans le fond, on est une extension de sa manière de penser. Il va comprendre ses joueurs, il va réfléchir, il va trouver des solutions. Au moins, on va avoir le feeling de savoir où on s'en va», de souligner St-Louis avec ce feu qui semble toujours briller dans son regard.

Et en parlant plus spécifiquement de Steve Yzerman, il ajoute: «Je ne veux pas blâmer personne ou parler en mal de qui que ce soit... mais depuis deux ou trois ans, on ne se sentait pas solide dans l'équipe. Ça partait des propriétaires en descendant. Steve Yzerman fait disparaître ce malaise. Il balaie les mauvaises images. On sait comment ça se passe dans la Ligue nationale. Yzerman est respecté, personne ne va essayer de rire de lui ou de lui en passer une vite dans son dos. Pour nous les joueurs, c'est essentiel de le savoir.»

Mettons que Brian Lawton, l'ancien directeur général qui avait essayé d'échanger Lecavalier, n'était pas très pris au sérieux.

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Plus tard, je me suis retrouvé à l'étage avec Vincent Lecavalier. Le capitaine est heureux. D'abord, sa petite fille de quatre mois et demi fait toutes ses nuits. Ses yeux s'éclairent quand il en parle. Et puis, il est un des premiers Éclairs à avoir passé une longue soirée avec Guy Boucher. Et les deux hommes ont pu établir les liens qui leur seront nécessaires pendant une longue saison pas toujours facile. La défense du Lightning et ses gardiens sont parfois... en deçà de la moyenne: «Mike Smith a du talent. Avant d'être blessé il y a deux ans, il avait le meilleur pourcentage d'arrêts de la ligue. Il a juste besoin d'avoir confiance en lui et les entraîneurs vont savoir s'y prendre», dit-il.

À un moment donné dans leur long tête-à-tête, Guy Boucher a demandé à Vincent quelle était sa grande force. Son atout premier?

«Moi, je suis à mon meilleur quand je peux driver le net avec autorité. Je suis grand, je suis fort et quand je peux foncer au but en bonne santé et avec confiance, je crée beaucoup d'ouvertures. Je ne veux pas d'excuses, mais disons que mes blessures m'ont nui et m'ont ralenti», dit-il en faisant allusion à son épaule qu'il a fallu opérer et qui l'a contraint à d'interminables mois d'inactivité.

Il respecte et aime beaucoup Guy Boucher. Et il y a Steve Yzerman. L'incontournable Yzerman.

On le sait, Yzerman n'a pas retenu les services de Lecavalier pour les Jeux olympiques de Vancouver. Et cette omission a fait mal au grand Vincent qui espérait être un des moteurs d'Équipe Canada.

Pendant l'été, Lecavalier a reçu un appel d'Yzerman qui était de passage à Montréal: «Il m'a invité à aller le rencontrer. Dans le fond, je voulais lui demander pourquoi il ne m'avait pas pris avec l'équipe du Canada. On s'est assis et on s'est mis à jaser. Après une heure et demie, j'étais tellement content, tellement heureux de la tournure de la conversation que je me foutais de la question que j'avais en tête à mon arrivée à l'hôtel. Finalement, je n'en ai jamais parlé avec Yzerman et ça n'a plus d'importance pour moi», raconte le grand capitaine des Éclairs.

Et ils ont parlé de leadership: «Pas besoin de crier fort dans le vestiaire, ce n'est pas mon style. Mais je me rappelle quand les Red Wings de Detroit ont gagné la Coupe Stanley et que Steve Yzerman jouait juste sur un genou. Quand ton capitaine se démène sur une seule jambe et ne lâche jamais, comment veux-tu que les gars ne l'imitent pas?» dit-il, songeur.

Mais Vincent n'avait pas le goût d'être un capitaine sur un genou. Il s'est donc fait opérer il y a deux ou trois semaines et après une couple de jours pour laisser baisser l'enflure, il s'est mis au travail.

Cette semaine, la jambe étendue sur une chaise devant lui, un appareil à pulsions électriques autour du genou, Lecavalier ne sentait plus de douleur. Et je l'ai constaté de visu, tout le travail pour muscler sa cuisse a donné des résultats... heu... impressionnants.

Simple. Pas surprenant qu'il soit si fort, l'homme est bâti comme un cheval.

Il devrait être en grande forme le 13 octobre. Comme le dirait Simon Gagné, pour le match Nordiques-Canadien.

DANS LE CALEPIN De dire Simon Gagné qui est resté un gars de Québec dans l'âme: «Le monde chiale pour un Colisée de 400 millions$ à Québec mais ne dit rien pour un toit de300 millions$ sur un stade qui ne sert à rien. Explique-moi donc.» Voilà que TSN a annoncé la mort de Pat Burns... avant tout le monde. Je suppose que dans quelques mois (ou quelques années si Dieu est vraiment bon), quand le bon Pat va s'en aller au paradis des Irlandais sanguins et bouillants, TSN va se vanter en disant: «Comme l'avait annoncé en primeur TSN, l'ancien coach Pat Burns est décédé...» Des fois, y'a des pieds au cul qui se perdent.