«Dieu, si tu existes, fais un miracle», supplie le directeur d'un faux orchestre Bolchoï dans le film Le concert, au moment où une soliste sans partition et des musiciens plus ou moins ivrognes attaquent, sans avoir jamais répété, un concerto de Tchaïkovski.



Mais alors que l'on appréhende le pire, des notes sublimes clouent les spectateurs à leurs sièges. «Dieu existe», soupire le personnage. L'impossible a eu lieu.

Si l'on se fie au pessimisme ambiant, il faudrait un miracle du même genre pour que les négociations directes entre le président palestinien, Mahmoud Abbas, et le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, produisent une percée dans le conflit qui oppose leurs deux peuples.

Après un silence de près de deux ans, les deux leaders ont rendez-vous demain à Washington. La reprise du dialogue se déroule sous les auspices de Barack Obama, qui souhaite déboucher sur un accord de paix d'ici un an. Mais avant même d'avoir commencé, ces discussions font déjà face à un premier écueil.

Le gel temporaire des constructions juives en Cisjordanie, décrété par Nétanyahou sous la pression de Washington, arrive à échéance le 26 septembre. Le premier ministre israélien répète sur toutes les tribunes qu'il n'a pas l'intention de le prolonger.

«Le jour où Nétanyahou fera des concessions à ce sujet, son gouvernement risque de tomber», dit le commentateur israélien Yossi Alpher.

De son côté, le président Mahmoud Abbas a averti que, en cas de levée du gel, il quitterait illico la table de négociations. Il n'est pas impossible que les deux parties parviennent à s'entendre. Il reste que le sort de ce très embryonnaire processus de paix pourrait se jouer trois semaines après les premières poignées de main.

L'échéancier de ces pourparlers, les 12 mois imposés par Washington, est lui-même périlleux. D'autant plus que les négociations visent large: les deux leaders sont censés résoudre les enjeux les plus délicats: frontières, réfugiés, statut de Jérusalem. Or, chacun des deux marche sur un fil de fer, sous la pression de groupes plus radicaux. Du côté palestinien, le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, est carrément opposé à toute négociation avec Israël.

«Il aurait mieux valu discuter d'un seul volet, le territoire du futur État palestinien», estime Yossi Alpher, selon qui ces nouvelles négociations foncent tout droit vers un mur.

L'opinion publique, tant en Israël que du côté palestinien, fait preuve d'un scepticisme généralisé face à l'énième tentative de réconciliation. Et les sceptiques pensent que si les pourparlers ont repris, c'est parce que chacun espère récolter des gains politiques personnels à court terme. À commencer par Barack Obama, qui serait bien heureux de pouvoir se targuer d'un succès international, aussi minime soit-il, aux élections de novembre.

Un Gorbatchev israélien?

Et pourtant, quelques voix positives émergent dans ce concert de lamentations. «Le contexte politique n'a jamais été aussi favorable à un dénouement positif», affirme le journaliste israélien Aluf Benn.

Selon lui, Benyamin Nétanyahou est plus fort, sur le plan politique intérieur, qu'il n'y paraît. «D'accord, sa coalition pourrait tomber, mais après?» demande-t-il, soulignant que l'actuel premier ministre n'a pas de vrai rival, ni dans son propre parti, ni à l'extérieur. D'ailleurs, si les négociations devaient progresser, cela pourrait permettre à Nétanyahou de rebrasser les cartes de son gouvernement et de s'allier à des partis moins radicaux, plus au centre de l'échiquier.

Ce politicien, qui est arrivé au pouvoir avec comme principal objectif de sauver l'État hébreu de la menace iranienne, a besoin du soutien de Washington, ajoute Aluf Benn. Il pourrait donc troquer les implantations juives en Cisjordanie contre un appui sans faille dans l'affrontement avec Téhéran.

Le journaliste rappelle que l'ancien dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev a présidé au démantèlement du régime qui l'avait d'abord porté au pouvoir. Et il va jusqu'à dire que Benyamin Nétanyahou pourrait devenir le «Gorbatchev israélien.»

Il y a également des signes positifs côté palestinien. Le premier ministre Salam Fayyad a entrepris d'ériger l'infrastructure d'un État palestinien viable. Une nouvelle ville palestinienne, Rawabi, destinée aux familles de la classe moyenne, est en construction à côté de Ramallah, en Cisjordanie -du jamais vu depuis la création de l'État hébreu. L'économie palestinienne progresse. L'Autorité palestinienne réorganise ses institutions, écoles, hôpitaux.

Ce «chantier» a un objectif: si les négociations avec Israël échouent, Salam Fayyad compte décréter unilatéralement la création d'un État palestinien indépendant. Date annoncée: août 2011. Ce qui coïncide avec l'échéance des pourparlers qui s'amorcent demain...

Bref, derrière l'apparent blocage, il y a quelque chose qui bouge. Pour se matérialiser, ce quelque chose a drôlement besoin d'un miracle. Mais qui a dit que les miracles n'arrivent jamais?