Le secteur manufacturier ralentit dans plusieurs pays, signe d'un essoufflement de l'économie planétaire. Mais, en Allemagne, les usines tournent rondement et empilent les commandes.

«L'économie allemande est de nouveau à la fête.»

C'est ainsi que Hans-Werner Sinn, président de l'institut économique IFO, de Munich, a commenté le climat des affaires dans son pays, il y a deux semaines. La raison: un indicateur de confiance de la première économie d'Europe affichait sa plus forte hausse depuis la réunification en 1990.

Jeudi dernier, la publication du dernier bilan de santé de l'industrie lui donnait raison: les commandes industrielles ont bondi de 3,2% en juillet, dépassant largement les attentes. Cette hausse confirme la tendance du deuxième trimestre, qui marquait une hausse des commandes de 7,7%.

Le secteur manufacturier, moteur de l'économie allemande, tourne donc rondement. L'Allemagne industrielle est un véritable phénomène car on perçoit des signes de ralentissement ailleurs dans le monde.

Aux États-Unis, l'indice principal (ISM) du secteur manufacturier est ressorti en juillet à son plus bas niveau depuis décembre 2009.

En Chine, la production des usines a également enregistré le mois dernier un recul, le premier depuis le début de 2009, selon un indice de référence du secteur.

Au premier abord, l'ensemble de l'Europe échappe à la tendance, mais l'accélération manufacturière notée cet été est presque entièrement due à l'Allemagne. En témoignent les fabricants allemands de machines-outils, qui ont vu leurs commandes grimper de 32% sur un an au premier semestre, et de 53% au deuxième trimestre.

En fait, la France, les Pays-Bas, l'Irlande et l'Autriche ont vu la croissance de leur production ralentir.

Exportations

D'où vient le carburant de cette reprise allemande? Surtout des exportations.

À preuve, le carnet de commandes des fabricants montre que la demande domestique a progressé de 0,3% seulement en juillet, alors que celle en provenance de l'étranger a bondi de 5,7%.

Les clignotants conjoncturels à Berlin sont maintenant en vert: selon le magazine Der Spiegel, Berlin table sur une hausse du PIB de 1,5% de mars à juin, après une stagnation au premier trimestre. Et la majorité des banques parient sur une croissance annuelle d'environ 2% cette année. Alors qu'en France, la Banque de France et le FMI révisent à la baisse les prévisions de croissance.

Le succès de l'industrie allemande repose essentiellement sur deux choses: des technologies de pointe et un travail énorme réalisé pour rehausser la compétitivité. Le gouvernement, les employeurs et les syndicats ont travaillé ensemble dans les dernières années pour remettre l'industrie en marche, surtout après la crise financière 2008-2009, et leurs efforts portent des fruits.

Face à une concurrence mondiale farouche, les travailleurs ont, par exemple, accepté un gel de salaire dans plusieurs secteurs.

En retour, les employeurs ont promis de maintenir la force de travail grâce au chômage partiel. Au lieu de licencier des milliers de travailleurs en période creuse, comme c'est la norme aux États-Unis et dans plusieurs pays, les patrons ont réduit les heures travaillées. Cela a permis de maintenir le chômage à des niveaux très bas pendant la crise. De plus, les fabricants ont pu profiter rapidement de la reprise mondiale, expliquent les experts.

«L'économie allemande, en comparaison avec le reste de l'Europe, se porte actuellement extrêmement bien», affirme la Commerzbank dans une récente étude.

De retour au travail

Si bien, en fait, que le conglomérat Siemens vient de mettre fin au chômage partiel dans ses installations en Allemagne, grâce à la reprise de la demande. En juin 2009, 15% des effectifs de Siemens en Allemagne étaient soumis à un horaire de travail réduit.

Auparavant, les constructeurs automobiles Daimler, BMW et Volkswagen ont remis leurs employés au travail à temps plein face au vif rebond de la demande. L'Allemagne compterait ainsi 100 000 personnes au chômage partiel à la fin de 2010, contre 1,4 million au plus fort de la crise l'an dernier, selon la fédération des chambres de commerce DIHK.

Évidemment, l'industrie allemande ne pourra échapper à un ralentissement prolongé de l'économie mondiale, si cela se confirme. Et les travailleurs syndiqués comptent bien demander des hausses salariales pendant les négociations prévues à l'automne.

Sans oublier que les Allemands ont toujours la fâcheuse (ou bonne) habitude de consommer peu, les ventes de détail étant inférieures de 10% à celles d'il y a un an. Donc, pas question de se fier à l'économie locale pour prendre la relève.

Tout ça risque de jeter du sable dans l'engrenage. Il reste que le modèle industriel allemand, quoi qu'en disent ses détracteurs, notamment en France, démontre de nouveau une résilience et une efficacité remarquables. Un modèle dont plusieurs devraient s'inspirer.