L'Inde, l'Indonésie, l'Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis envisagent d'interdire l'utilisation des fonctions de courriel et de messagerie instantanée des téléphones de marque BlackBerry. Les gouvernements de ces pays exigent que le fabricant des BlackBerry, la canadienne Research In Motion (RIM), leur donne accès aux messages qui passent par ses serveurs.

L'enjeu de ce bras de fer est considérable. Il s'agit de savoir si les utilisateurs de courrier électronique pourront compter sur le caractère privé de leur correspondance. Déjà, bien que beaucoup d'usagers l'ignorent, l'internet offre aux gouvernements, aux entreprises et aux pirates informatiques des moyens de recueillir une foule d'informations privées. Pour ce qui est des courriels, un spécialiste peut assez facilement retracer et lire la correspondance de tout un chacun.

BlackBerry a fait sa marque en offrant à ses clients un système de cryptage qui garantit une protection maximale. C'est ce qui cause la frustration de certains États, ceux-ci se voyant incapables d'intercepter et de décrypter les échanges entre des personnes soupçonnées de terrorisme.

La crainte d'attentats justifie certainement que les forces de l'ordre puissent surveiller, à certaines conditions, le courrier transmis par internet. Toutefois, dans certains pays, la sécurité nationale semble n'être qu'un motif parmi d'autres. Dans le communiqué annonçant le blocage de plusieurs fonctions des BlackBerry à compter d'octobre, le gouvernement des Émirats arabes unis a invoqué des «inquiétudes légales, sociales et de sécurité nationale». Sociales?

Si, en menaçant RIM de lui fermer leurs marchés, ces pays obtiennent l'accès à la correspondance acheminée par les BlackBerry, qui sait à quelles fins serviront les informations recueillies? Une telle évolution serait d'autant plus néfaste que les concurrents de RIM travaillent d'arrache-pied dans l'espoir d'offrir à leurs clients une protection aussi efficace.

Il faut donc souhaiter que RIM résiste à ce chantage. Qu'elle résiste pour vrai. Car on sait que l'entreprise a conclu des ententes avec d'autres pays qui partageaient les inquiétudes exprimées ces jours-ci en Asie du Sud et au Proche-Orient. C'est ainsi qu'elle a pu pénétrer les marchés russe et chinois, notamment. La société de Waterloo protège-t-elle autant qu'elle le prétend la confidentialité de la correspondance? RIM servirait sa réputation et rassurerait sa clientèle si elle était plus transparente en cette matière.

Les négociations des prochaines semaines seront déterminantes pour l'avenir de ce fleuron de l'industrie canadienne. Elles le seront aussi pour la confidentialité des échanges par internet.

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