Avec la crise financière qui s'acharne sur les «petits», le microcrédit prend le large, délaissant ses marchés traditionnels dans les pays pauvres pour s'étendre en Europe et même aux États-Unis.

Si la crise s'est atténuée dans les milieux bancaires internationaux, l'accès au crédit demeure difficile pour les PME et beaucoup de consommateurs. C'est un problème très sérieux, qui freine la reprise économique.

Outre-Atlantique, la Banque centrale européenne (BCE) déplore d'ailleurs dans un rapport, dévoilé la semaine dernière, que la crise de la dette en zone euro a freiné le crédit au deuxième trimestre.

Davantage de banques ont resserré l'accès au financement pour les entreprises, dit la BCE. Les conditions pour les prêts immobiliers sont restées tout aussi restrictives.

La situation n'est guère mieux aux États-Unis.

Le président de la Réserve fédérale (Fed), Ben Bernanke, a jugé lundi «crucial» pour la reprise économique que les PME obtiennent plus facilement des prêts.

Les PME (moins de 500 salariés), qui assurent 60% des créations d'emplois aux États-Unis, ont toujours des difficultés à obtenir un emprunt auprès de leurs banquiers, a constaté le patron de la Fed. Il a appelé les banques à assouplir leur politique de crédit aux entreprises.

Dans ce contexte, le microcrédit est vu comme une solution qui connaît une ascension inespérée en France, en Allemagne et même aux États-Unis, tout en consolidant ses assises sur ses marchés traditionnels.

Les riches aussi

Avant la crise financière, le microcrédit - des petites sommes généralement de moins de 500$ prêtées surtout aux démunis - était associé surtout aux pays en développement.

Or, selon des médias américains, on assiste à une véritable percée de la microfinance aux États-Unis. Des «microbanques» souvent à but non lucratif, comme l'Opportunity Fund et son partenaire international Kiva, multiplient les prêts au pays le plus riche du monde.

Cette année, les demandes de crédit auprès des 360 microbanques officiellement enregistrées ont plus que doublé aux États-Unis, selon le New York Times.

De plus, la Grameen Bank, institution désormais célèbre établie au Bangladesh et fondée par le lauréat d'un prix Nobel, Muhamad Yunus, a ouvert quatre succursales à New York et une au Nebraska depuis deux ans.

Les sommes des prêts consentis aux Américains sont généralement plus importantes que dans les pays pauvres, les totaux en jeu pouvant atteindre les 10 000$US. Et les taux d'intérêt exigés sont plus élevés (de 5 à 18%) que ceux demandés aux grandes entreprises.

Mais la microfinance exploite une niche que les grandes banques n'osent pas toucher avec une perche de trois mètres, surtout en période d'incertitude économique. Des milliers d'Américains, qui ont perdu leur emploi, profitent de cette source de fonds pour se lancer en affaires.

Le phénomène s'étend aussi en Europe. En France, la valeur des microcrédits extra-bancaires a triplé depuis 2006 pour atteindre 63 millions d'euros en 2009, selon l'Agence française pour le développement. C'est encore peu, en matière de somme d'argent, mais la demande est en croissance.

La microfinance prolifère aussi sur l'internet. En Allemagne, la plateforme en ligne Auxmoney.com, qui permet à des épargnants de transformer leur bas de laine en petits crédits pour les autres, compte maintenant près de 130 000 membres hors du pays.

Établie à Düsseldorf, Auxmoney, concurrente de la plateforme similaire Smava, vient de financer son 2000e projet. Les épargnants ont déjà mis à disposition plus de 6,5 millions d'euros (près de 9 millions CAN) aux emprunteurs. Avec ce type de microcrédit, c'est à l'emprunteur de fixer lui-même le taux d'intérêt et la durée du prêt qu'il s'estime capable de rembourser.

Maintenant la Bourse

Preuve que le microcrédit est pris au sérieux, le plus important établissement du genre en Inde, SKS Microfinance, vient tout juste de s'inscrire en Bourse. SKS a amassé environ 350 millions de dollars auprès des investisseurs institutionnels et privés, soit 22% de son capital.

On dénombre en Inde plus de 3000 établissements de microcrédit, qui ont prêté plus de 7 milliards de dollars à environ 80 millions de clients. Mais SKS est la première institution du genre à être cotée à la Bourse de Bombay.

Curieux paradoxe, tout de même, que cette entrée de SKS dans l'arène des «grands». Mais la microbanque indienne promet de rester fidèle à sa mission d'aider les démunis. Qui sait, small is beautiful n'est peut-être pas une formule démodée... même pour le milieu de la finance.