Peu de Montréalais s'en soucient en ces chaudes journées d'été, mais ils risquent de vivre une mauvaise surprise lorsque l'administration Tremblay déposera le prochain budget de la Ville, dans quelques mois.

Déjà, dans son budget de 2010, l'administration assommait les propriétaires (et, par ricochet, les locataires) avec des hausses d'impôts fonciers moyennes de 6%, alors que l'inflation atteint à peine 1%.

Certes, le maire Tremblay a justifié cette brusque hausse en rappelant que les impôts fonciers n'avaient pas bougé pendant les trois années précédentes. Sur papier, c'est vrai, mais dans la réalité, c'est une autre histoire, pour deux raisons:

> Même lorsque les taux n'augmentent pas (ou même s'ils diminuent), les contribuables peuvent quand même payer plus d'impôts fonciers si l'évaluation de leur propriété a grimpé. Par exemple, le budget de 2007 ne contenait aucune hausse d'impôt; mais si vous étiez propriétaire d'une maison unifamiliale à Pointe-aux-Trembles, vous deviez quand même subir une hausse de 3% de votre impôt foncier à cause du rôle d'évaluation (en toute justice, il faut aussi dire que d'autres propriétaires ont profité, en vertu du même système, de réductions).

> Sans augmenter les impôts fonciers, les budgets de 2007, 2008 et 2009 n'en contenaient pas moins toute une panoplie de mesures destinées à arrondir les revenus de la Ville: permis, tarification des services municipaux, coûts du stationnement, contraventions, etc.

Depuis le 1er janvier 2006, date de naissance de la nouvelle entité issue de la saga des fusions et défusions, le budget de la Ville de Montréal est passé de 3,9 à 4,3 milliards, une hausse de 10%. Pendant la même période, l'indice des prix à la consommation a progressé de 8%. Les dépenses ont donc augmenté un peu plus rapidement que l'inflation, vrai, l'administration aurait sûrement pu faire mieux, vrai. Mais sur une période de presque cinq ans, on peut difficilement accuser l'administration Tremblay d'avoir indûment gonflé ses dépenses.

N'empêche: deux points de pourcentage, sur un budget de 4,3 milliards, cela fait quand même 86 millions.

Ces quelques dizaines de millions, la Ville en aurait bien besoin maintenant pour faire face à la mauvaise nouvelle qui s'en vient.

Si n'est rien fait, Montréal se dirige, pour 2011, vers un trou de 400 millions. C'est énorme: rien de moins que 10% du budget de la Ville.

Le chiffre a été annoncé il y a trois mois par le maire Tremblay. Cette brusque explosion est due à plusieurs facteurs: entre autres, les hausses salariales des employés municipaux et l'augmentation du financement des transports en commun. Il se peut que ce montant soit artificiellement gonflé (c'est du moins l'opinion de l'opposition officielle à l'hôtel de ville), mais il est certain qu'il y aura manque à gagner, et qu'il sera important.

Pour combler ce gouffre, la Ville n'a guère que deux solutions: augmenter ses revenus ou sabrer dans ses dépenses.

Pour ce qui est des dépenses, il ne faut pas trop y compter. En annonçant le trou de 400 millions, en avril, M. Tremblay a aussi annoncé la mise sur pied d'un comité formé de représentants des trois partis présents à l'hôtel de ville. Ce comité devait se pencher sur les moyens de colmater le gouffre, soit en augmentant les revenus, soit en diminuant les dépenses. À l'issue des travaux, si on en croit un porte-parole de l'opposition, les membres n'ont trouvé qu'une dizaine de millions de possibles compressions. Sur un budget de 4,3 milliards! L'équivalent de deux cennes noires sur 1000$. C'est à peine croyable.

Par contre, la tentation sera grande d'aller chercher l'argent dans les poches des contribuables. Les amendes, les permis, les droits de stationnement, les taxes sur l'essence, tout cela, c'est bien beau, mais pour une municipalité, la seule véritable source de revenus qui compte, la véritable vache à lait, c'est l'impôt foncier. Les finances de la Ville sont serrées, certes. Mais jamais, depuis la création de la nouvelle ville, n'a-t-on vu un abîme financier d'une telle profondeur. Dans ces conditions, on peut certainement penser que l'administration se tournera tout naturellement vers sa vache à lait.

Pendant ce temps, Montréal continue d'être écartelé entre ses petits roitelets de quartier, la ville croule sous le poids de sa bureaucratie, les citoyens se plaignent de la mauvaise qualité des services publics...