Cela aurait dû être tout simple. Un métro qui tombe en pièces. Un gouvernement qui veut remplacer les voitures. Un appel d'offres à lancer.

Mais cette transaction déraille depuis cinq ans comme un film catastrophe qu'on visionne au ralenti.

On voudrait mettre le doigt sur le moment exact où les choses ont dérapé qu'on n'y parviendrait pas. Car la responsabilité de ce cafouillis est largement partagée.

Dès le départ, la Société de transport de Montréal (STM) voulait lancer un appel d'offres. C'est le gouvernement du Québec qui, en 2006, lui a ordonné de négocier directement avec Bombardier. Claude Béchard, à l'époque ministre du Développement économique, a usé de son influence pour pistonner l'usine de Bombardier à La Pocatière, dans sa circonscription.

La justification fait aujourd'hui rire jaune: il y avait urgence de rénover le métro, usé par 40 années de service!

Même si l'opération sentait le favoritisme à plein nez, le gouvernement aurait pu s'en tirer en faisant les choses dans les formes. Ce qu'il n'a pas fait.

Les règles du commerce international permettent à une province d'acheter du matériel de transport urbain sans appel d'offres. Mais Québec ne pouvait passer outre à sa propre Loi sur les sociétés de transport en commun.

Le gouvernement devait démontrer qu'aucune autre entreprise au pays n'était en mesure de fournir ces voitures. Mais seule une vérification sommaire a été menée. Et cela, plusieurs mois après que le ministre Raymond Bachand eut annoncé la décision de procéder sans appel d'offres.

C'est en regardant ce travail bâclé que la Cour supérieure s'est rendue aux arguments du groupe français Alstom, en janvier 2008, et a ordonné la tenue d'un appel d'offres.

Six mois plus tard, la STM lance l'opération. Mais les ennemis d'hier s'associent pour former un consortium. Pourquoi rivaliser quand Bombardier et Alstom peuvent négocier ensemble avec la STM «de gré à gré» ? Les marges de profit sont tellement plus confortables!

Il n'y a qu'une seule soumission pour remplacer 342 voitures. Mais, ô surprise, après des mois de négociations, en 2009, la STM et le consortium ne s'entendent pas sur le prix.

Pour dénouer l'impasse, Bombardier et Alstom proposent un arrangement à la STM: nous construirons les voitures de métro à votre prix à la condition que vous doubliez la commande. C'est ce qu'on pourrait appeler le péché de gourmandise...

La commande a ainsi enflé à 765 voitures. Mais là, c'est un contrat d'une autre ampleur, entre 2 et 3 milliards de dollars.

Échaudé par ses démêlés devant les tribunaux, Québec ordonne à la STM de publier un avis d'intention, pour s'assurer qu'aucun autre constructeur n'est intéressé. Mais il impose des conditions: le contenu canadien doit s'élever à 60% et l'assemblage doit se réaliser au Canada.

Pour Québec, Bombardier et Alstom, ce n'était qu'une formalité... Mais ils se sont fait prendre à leur jeu. Si la STM a facilement pu écarter le constructeur chinois Zhuzhou, qui proposait des voitures sur roues d'acier, il en allait autrement avec Construcciones y Auxiliar de Ferrocarriles. Deux firmes de génie réputées certifient que ce groupe espagnol est en mesure de construire une usine d'assemblage au Québec et de trouver assez de fournisseurs canadiens. Et vlan!

C'est donc le retour à la station Berri-UQAM pour la STM, avec un nouvel appel d'offres et des délais à n'en plus finir.

On s'habitue à tout, direz-vous. Après le CHUM, la liaison ferroviaire entre Dorval et le centre-ville, le TGV, alouette, la résignation ronchonneuse est devenue le trait distinctif des Québécois.

Les contribuables y gagneront peut-être même au change. Mais n'allez pas en parler aux voyageurs qui resteront encore coincés dans le métro de Montréal pour les mois et années à venir.

Pour joindre notre chroniqueuse: sophie.cousineau@lapresse.ca