Demain, dans les rues de Toronto (nettoyées des traces du G20, faut-il espérer...), on vivra un autre chapitre de la petite histoire de l'agitation politique au pays. Après une longue valse-hésitation, les organisateurs du 30e défilé annuel de la Fierté admettront dans leurs rangs les Queers Against Israeli Apartheid (QuAIA, vaguement traduisible par: Altersexuels contre l'apartheid israélien).

Demain, dans les rues de Toronto (nettoyées des traces du G20, faut-il espérer...), on vivra un autre chapitre de la petite histoire de l'agitation politique au pays. Après une longue valse-hésitation, les organisateurs du 30e défilé annuel de la Fierté admettront dans leurs rangs les Queers Against Israeli Apartheid (QuAIA, vaguement traduisible par: Altersexuels contre l'apartheid israélien).

Ce qui était autrefois le défilé de la Fierté gaie s'adresse dorénavant aux «communautés LGBTTQQ2S». C'est-à-dire les lesbiennes, gais, bisexuels, transgenres, transsexuels, altersexuels et en questionnement; le 2S, d'inspiration autochtone, décrit ceux qui sont habités à la fois par l'esprit de l'homme et de la femme.

Certes, ce n'est pas simple. Mais cette complexité n'est pas la cause du problème affligeant ces communautés. Le problème découle de l'importation d'un conflit extraordinairement polarisant dans une célébration politiquement neutre.

Il s'agit évidemment du conflit israélo-palestinien.

* * *

L'affaire a créé bien des remous. Chez beaucoup de juifs, dont des homosexuels. Au sein de l'organisation du défilé, inquiète pour l'avenir de la nature festive de l'événement. Au conseil municipal de Toronto ainsi que dans les ordres supérieurs de gouvernement.

Le tout peut être résumé ainsi.

Depuis trois ans, les porte-drapeaux de QuAIA étaient admis au sein du défilé de la Fierté. Cette année, les organisateurs - victimes de pressions du «lobby juif», a-t-on tout de suite insinué - avaient décidé de ne plus permettre d'allusions à l'«apartheid israélien». Après réflexion, les organisateurs sont revenus sur leur décision - sans que, cette fois, aucun lobby ne se soit manifesté, bien entendu!

On remarquera d'abord que des gens défilant pour la reconnaissance des sexualités alternatives s'en prennent ici à Israël. C'est-à-dire à la seule nation de cette région du monde où les homosexuels ne sont pas persécutés, emprisonnés, exécutés ou... inexistants, comme en Iran! (Sur son site web, QuAIA s'explique très mal à ce sujet, tout comme sur le droit à l'existence d'Israël.)

On remarquera ensuite à quel point la cause des Palestiniens, qui ont succédé aux «prolétaires» de jadis dans le martyrologe de la gauche standard, parvient à mettre le grappin sur tout ce qui bouge dans les sociétés occidentales.

On remarquera enfin que, si on ne peut apparemment pas hiérarchiser les droits, on n'hésite pas à établir une hiérarchie des causes. À Toronto, on a ainsi jugé plus pressant de combattre Israël que l'homophobie. Ne nous moquons pas. Au Québec, nous avons bricolé une semblable échelle au haut de laquelle est perchée la cause du multiculturalisme, confite dans la rectitude politique. Et, agrippées au barreau le plus bas, celles de l'égalité des sexes et de la laïcité de l'État.

D'un côté comme de l'autre de la rivière des Outaouais, il n'y a pas de quoi être fier.