Si on se fie aux chiffres publiés hier par Statistique Canada, le secteur touristique canadien n'est pas sorti du bois: la haute saison risque en effet d'être pourrie.

Les Américains constituent, de très loin, les premiers clients du produit touristique canadien; à eux seuls, ils représentent, bon an, mal an, entre 80 et 85% des visiteurs étrangers.

Or, uniquement au mois d'avril dernier, le nombre de touristes américains au Canada se situe à 1,293 million. C'est 144 000 visiteurs de moins qu'en avril 2009, un recul de 10%. Les résultats d'avril se situent en plein dans la tendance baissière observée depuis le début de l'année. Entre janvier et avril 2010, le Canada a perdu en quatre mois près de 400 000 touristes américains par rapport à la période correspondante l'an dernier.

Bien sûr, le tourisme international, c'est-à-dire en provenance d'autres pays que les États-Unis, est en légère hausse: en tout, 10 000 touristes de plus en quatre mois, surtout des Britanniques, des Français et des Allemands. C'est bien, mais c'est largement insuffisant pour compenser ne serait-ce qu'une partie des pertes subies avec les États-Unis.

Le premier responsable du désastre, c'est la faiblesse du dollar américain. En avril, le dollar canadien valait 99,4 cents US; autant dire que les deux monnaies étaient pratiquement à parité. Un an plus tôt, en avril 2009, le huard n'achetait que 81,6 cents US. D'un point de vue américain, cela veut dire qu'un voyage au Canada coûte 22% de plus qu'un an plus tôt. C'est un pensez-y-bien.

Il faut ajouter à cela que les États-Unis ont été touchés plus durement que le Canada par la récession, et qu'ils ont plus de difficulté à s'en sortir. En période de ralentissement, le budget de vacances est la première chose que les ménages pensent à amputer.

Les hôtels, restaurants et attractions touristiques pourraient toujours se consoler en misant sur le tourisme interprovincial et local. Hélas! Mieux vaut ne pas trop compter là-dessus.

La faiblesse du dollar américain joue dans les deux sens. D'un point de vue canadien, avec un huard au pair, il est devenu extrêmement avantageux de visiter les États-Unis. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Toujours pour le seul mois d'avril, 3,8 millions de Canadiens ont voyagé aux États-Unis, comparativement à 3,2 millions un an plus tôt, un bond de 17%. Encore là, ces chiffres s'inscrivent dans la tendance des derniers mois.

De janvier à avril, 13,3 millions de touristes canadiens se sont rendus aux États-Unis cette année, comparativement à 11,8 millions l'an dernier. Une saignée de 1,5 million de visiteurs. Il est assez triste de penser que cela s'est produit pendant que le Canada était l'hôte des Jeux olympiques d'hiver, en février à Vancouver.

Au bout du compte, en quatre mois, le secteur touristique a perdu 400 000 touristes américains, et n'a pu convaincre 1,5 million de touristes canadiens de rester chez eux.

Or, au moment où commence la haute saison, le huard ne montre aucun signe d'effondrement. Il chatouillait encore la barre des 98 cents US hier après-midi. À ce niveau, il est clair que les Américains continueront de bouder le Canada, et que les Canadiens seront plus nombreux que jamais à se rendre au sud de la frontière.

Voilà autant de beaux dollars touristiques perdus. Il faudra attendre l'automne prochain pour savoir à quel point cette situation se traduira en pertes financières. Statistique Canada publie le montant du déficit touristique trimestriel avec deux mois de décalage. Ainsi, les résultats du troisième trimestre (juillet, août, septembre), qui couvre le coeur de la haute saison, seront publiés en novembre.

En attendant, on sait que le premier trimestre s'est soldé par un déficit de 2,9 milliards. C'est un peu moins que les 3,2 milliards du trimestre précédent, et on peut se demander comment il se fait que le déficit est moins élevé en dépit de l'hémorragie touristique. Cette amélioration est artificielle. Elle est principalement due aux jeux de Vancouver. Le «tourisme olympique» est payant: nombreuses délégations, milliers de visiteurs d'outre-mer (qui restent plus longtemps et dépensent plus d'argent que les visiteurs interprovinciaux ou américains), journalistes, équipes de télé, etc.

Les chiffres des deuxième et troisième trimestres risquent d'être autrement plus décevants.

Trois provinces dominent le classement des destinations les plus populaires chez les visiteurs étrangers. L'Ontario, à lui seul, attire, bon an, mal an, la moitié des touristes. La Colombie-Britannique arrive deuxième avec le quart, et le Québec troisième avec 16%. Les sept autres provinces se partagent les 9% qui restent.