L'Assemblée nationale reprend aujourd'hui l'étude du projet de loi formulant un code d'éthique pour les députés. Espérons que les députés feront preuve de plus de dignité au cours des prochains jours que ce qu'il nous a été donné de voir la semaine dernière.

Le chef du bureau de La Presse à l'Assemblée nationale, Denis Lessard, qui en a pourtant vu d'autres, a parlé d'échanges d'une «rare acrimonie» entre Jean Charest et Pauline Marois. Tous ceux qui ont vu la période de questions de jeudi dernier, sauf les plus partisans d'un camp ou de l'autre, ont dû ressentir un profond malaise en voyant le premier ministre et la chef de l'opposition descendre aussi bas. En voyant aussi les députés si indisciplinés que le président de la chambre avait du mal à maintenir un semblant d'ordre.

 

Les partis de l'opposition ont passé plus de 40 des 45 minutes de la période de questions à interroger le gouvernement sur des questions d'éthique. L'engorgement croissant des urgences, illustré le matin même par un reportage étoffé de La Presse, a fait l'objet d'une seule petite question, la dernière de la journée. La société québécoise n'est tout de même pas gangrenée par la corruption au point qu'on ignore tous les autres problèmes.

M. Jean Charest est le principal responsable de cette situation. En refusant obstinément de lancer l'enquête sur l'attribution des contrats publics que tous les Québécois réclament, il laisse planer l'impression nauséabonde que son gouvernement a quelque chose à cacher. Les réponses souvent peu convaincantes qu'ont données les libéraux aux allégations de l'opposition confortent cette impression.

Le Parti québécois porte aussi une part substantielle de responsabilité. Depuis quelque temps, Mme Marois et son équipe mènent la charge sur le financement prétendument douteux du Parti libéral, allant jusqu'à remettre en cause l'intégrité personnelle du premier ministre. Or, il est bien établi que les deux grands partis de la province ont essentiellement recours aux mêmes pratiques de financement, les péquistes recevant eux aussi, par exemple, de nombreux dons d'employés de firmes de génie-conseil. La décence aurait dû amener les deux formations à s'attaquer au problème de fond plutôt qu'à jouer aux vierges offensées, endommageant davantage le peu de crédibilité qui reste à la classe politique.

Rien ne révolte plus les électeurs que de découvrir qu'un gouvernement fait fi des normes éthiques. Rien n'engendre autant de désabusement que la réalisation qu'une fois chassé le parti au pouvoir, son successeur ne fera pas mieux.

Quand Jean Charest a accusé Pauline Marois de «déshonorer la classe politique», il s'est ridiculisé. Quand Mme Marois arbore aujourd'hui un foulard blanc, on ne peut pas la prendre au sérieux. N'y a-t-il aucune limite à l'hypocrisie de nos politiciens?