La semaine dernière, l'archevêque de Québec, le cardinal Marc Ouellet, a tenu à corriger l'impression provoquée par ses propos sur l'avortement, en insistant moins sur le caractère criminel du geste et davantage sur la détresse des femmes qui songent à une interruption de grossesse.

Mais paradoxalement, les efforts du cardinal pour éteindre le feu qu'il avait lui-même allumé ont surtout servi à mettre en relief les failles du discours de l'Église sur toutes ces questions.

 

Avant d'aller plus loin, je dois reconnaître que le cardinal Ouellet a fait l'objet d'une forme d'acharnement médiatique. On a en effet donné à ses propos une importance qu'ils ne méritaient pas, parce que l'influence de l'Église catholique est faible dans des débats comme celui-là, et encore plus faible pour ceux qu'il faudrait rejoindre, les gens en âge de procréer. Mais Mgr Ouellet est une cible facile, parce qu'il est abrasif, parce qu'il défend des idées maintenant impopulaires. Ce n'est pas pour rien que les politiciens se sont fait un plaisir de le dénoncer. Et que les médias, moi y compris, ont braqué leurs projecteurs sur lui.

Cependant, le questionnement du cardinal est plus que légitime. Il a raison de noter que 100 000 avortements par année au Canada, c'est trop. Et il a raison de vouloir que ce nombre diminue. Il n'est pas nécessaire de considérer l'avortement comme un crime, ou comme un «désordre moral grave», pour partager ce souhait. L'interruption volontaire de grossesse est un geste grave, parfois traumatisant, que l'on ne peut pas banaliser.

Comment le réduire? Dans certains cas, l'accompagnement des femmes enceintes qui y songent, ce que privilégie Mgr Ouellet, peut être une avenue. Mais il est assez évident que la meilleure façon de réduire le nombre d'avortements, c'est de réduire le nombre de grossesses non désirées. Et que la meilleure façon d'y arriver, c'est la contraception.

Mgr Ouellet n'est décidément pas chanceux dans ses interventions médiatiques. Comme par hasard, une étude, rendue publique le même jour que sa conférence de presse, publiée dans The Canadian Journal of Human Sexuality, est venue faire cette démonstration. Cette étude compare l'évolution des grossesses et des avortements chez les adolescentes entre 1996 et 2006 dans quatre pays. La baisse est plus forte au Canada, ce qui s'explique, selon les auteurs, par la contraception et la plus grande acceptation de la sexualité des adolescentes. Les résultats ont été moins heureux aux États-Unis, notamment parce que l'insistance de ce pays à promouvoir l'abstinence - le seul moyen préconisé par l'Église - fait augmenter les grossesses!

Le fait que l'Église catholique ne veuille pas accepter que la contraception soit un outil valide et honorable pour éviter les grossesses et les avortements mène son discours dans un cul-de-sac. L'Église réprouve les pratiques qui «ferment l'acte sexuel au don de la vie». Cela ne la mène pas à condamner la contraception avec véhémence, mais cela l'empêche de la reconnaître comme solution crédible.

Au Québec ou au Canada, cela ne change pas grand-chose. Mais dans les pays en voie de développement, où l'Église est plus présente qu'ici, et où son influence est parfois grande, son refus de promouvoir la contraception, tout comme sa réticence à accepter que le condom puisse être la meilleure façon de lutter contre le sida, peut avoir des conséquences catastrophiques.

Mgr Ouellet décrit l'avortement comme un crime. Comment décrit-on des prises de position qui ont pour effet direct d'augmenter le nombre de morts résultant d'avortements ratés, le nombre de morts en couches provoquées par des grossesses dans des contextes inappropriés, la mortalité infantile dans des sociétés incapables de nourrir leurs enfants, et le nombre de victimes du sida?