Chaque récession entraîne son triste lot de fermetures et de mises à pied.

Lors de la terrible récession de 1981, lorsqu'un travailleur perdait son emploi, cela signifiait souvent une véritable catastrophe financière pour sa famille. C'est beaucoup moins vrai aujourd'hui. Et c'est grâce aux femmes...

Telle est la grande constatation d'une éclairante étude parue hier dans L'emploi et le revenu en perspective, une publication spécialisée de Statistique Canada. Le document examine l'évolution du taux d'emploi chez les femmes dont le conjoint a perdu son emploi au cours d'une des trois dernières récessions, celles de 1981-1983, de 1990-1992 et la toute récente qui vient de prendre fin.

L'arrivée massive des femmes sur le marché du travail est un phénomène déjà largement connu et documenté. Ainsi, depuis 1976, la proportion de femmes mariées ou vivant en union libre, âgées entre 20 et 64 ans, et actives sur le marché du travail, se situait à 47%. Aujourd'hui, le pourcentage correspondant est de 76%.

Ce que l'étude nous apprend, c'est que cette progression, entre les récessions de 1981-1983 et de 2008-2009, a été beaucoup plus rapide chez les femmes dont le conjoint a perdu son emploi.

En 1976, 40% des femmes dont le conjoint était en chômage en raison d'une mise à pied étaient actives sur le marché du travail. Ce pourcentage est passé à 49% pendant la récession de 1981-1983, puis à 59% pendant celle de 1990-1992, et à 71% au cours de la récession qui vient de prendre fin.

Autrement dit, entre les récessions de 1981 et de 2009, le taux d'activité a augmenté de 31% si on considère l'ensemble des femmes mariées ou vivant en union libre. Mais si on ne considère que les conjointes des chômeurs, la hausse passe à 45%.

Il est intéressant de voir que plus les couples sont âgés, plus les femmes des travailleurs mis à pied ont tendance à gagner le marché du travail.

Ainsi, chez les couples dont le conjoint chômeur est âgé entre 20 et 34 ans, le taux d'activité des conjointes a augmenté, toujours pendant la même période, de 41%. Chez les couples dont le conjoint mis à pied est âgé entre 55 et 64 ans, la progression atteint 71%.

L'étude contient aussi plusieurs bonnes nouvelles.

C'est bien beau de dire que les conjointes des travailleurs mis à pied prennent la relève, encore faut-il jeter un coup d'oeil sur les emplois qu'elles occupent.

Le nombre d'heures hebdomadaires travaillées par les conjointes de chômeurs est demeuré constant, oscillant entre 30,8 et 31,6 heures, pendant toute la période. Comme ce chiffre représente une moyenne, on peut certainement conclure qu'il s'agit, dans la majorité des cas, d'emplois à plein temps.

Emplois temporaires, cependant: en 1981, le nombre moyen de semaines travaillées se situe à 20. Selon les données du dernier recensement (2006), ce chiffre est passé à 29. Là aussi, il s'agit de moyennes, et les moyennes peuvent être trompeuses, surtout dans ce genre de situation. Il est certain que de nombreuses conjointes de chômeurs intègrent le marché du travail pour y rester. D'autres peuvent travailler pendant quelques semaines, le temps que leur conjoint se trouve un nouvel emploi. Ce qui est certain, c'est que le nombre de semaines travaillées tend nettement à augmenter.

La meilleure nouvelle, c'est la rémunération. Les gains réels des conjointes de chômeurs sont passés de 10 690$ à 18 550$ entre 1981 et 2006. Ces montants sont exprimés en dollars constants de 2005, c'est-à-dire qu'ils tiennent compte de l'inflation. En termes réels, les conjointes de chômeurs ont donc connu, en moyenne, une augmentation de revenus de 74% pendant cette période. La hausse du nombre de semaines travaillées peut expliquer seulement une partie de cette spectaculaire progression. Les hausses salariales normales aussi. Une telle poussée reflète surtout le fait que les conjointes de chômeurs occupent de plus en plus de meilleurs emplois.

L'étude de Statistique Canada est certainement ce qui s'est fait de plus complet et de plus fouillé sur un sujet qui, selon l'expression même des auteurs, a «reçu relativement peu d'attention» jusqu'à maintenant. Cette contribution permet de mesurer à quel point la perte d'un emploi risque de moins en moins de compromettre la sécurité financière du couple.