Quatre heures de Ouagadougou. Deux heures de chemins de brousse dans une poussière rouge qui pique les yeux, 21 chèvres évitées, quatre ânes, quelques poules et leurs poussins, des villages d'un autre âge sans électricité et sans eau et au bout, la mine d'or de Semafo à Mana.

Ils sont au moins 80 expatriés sur le site de la mine. On les appelle des «expats». Ils viennent de Val-d'Or et d'autres endroits en Abitibi, comme Claude Felteau, ou du Saguenay, comme Maurice Bergeron. Ils ont des emplois de construction, d'opération ou de gestion. Ils sont fous du Canadien et ils sont de féroces partisans.

«Je sais dès les premières minutes de la journée, vers cinq heures du matin, si leur Canadien a gagné ou perdu. C'est la première chose dont les gars parlent en arrivant à la cafétéria», raconte Carole Brun, une belle Française qui savait que les Glorieux avaient perdu les deux premiers matchs contre les Flyers, mais qu'ils avaient gagné la veille. Ses Québécois le lui avaient appris avec un grand sourire.

On est à Mana. Les villages avoisinants s'appellent Wona, Bana, Dangouna ou Somona. On est en Afrique de l'Ouest, au Burkina Faso. Un autre continent, une autre époque. Mais dès qu'un Québécois est quelque part sur la planète, que ce soit à Paris ou à Ouagadougou, il trouve le moyen d'avoir le score des matchs.

«Nous autres, on prend les nouvelles le lendemain matin à 5 heures et demie à TV5 à la cafétéria. C'est le téléjournal de Céline Galipeau. Une demi-heure. Elle donne les scores, mais pas d'image. Des fois, y a un grand maigre qui fait un commentaire. Mais souvent, nos blondes nous ont déjà appelés ou on a écouté la game à CKAC, sur internet. Le signal est pas très rapide, mais on se débrouille», raconte Serge Aubé de Authier.

Viorel Petrescu, un Roumain de Bucarest qui vit maintenant au Québec, est un féru d'internet: «Si on veut vraiment, on peut toujours dénicher un site qui va présenter le match en direct , dit-il. Mais sans l'internet à haute vitesse, c'est décevant.

Semafo a trouvé une autre solution. On enregistre le match à Montréal et on le télécharge à Mana. Le lendemain, comme c'était le cas hier soir, on invite les ouvriers dans le bar du site pour projeter le match sur écran géant. Ils connaissent le résultat du match, mais ils réagissent avec autant de ferveur en voyant le premier but de Michael Cammalleri. Et à 3-0 Canadien, un gars lâche un très sonore: «On s'en va sur la Catherine, tab... !»

Évidemment, on trouve toujours un ancien Nordique sur la planète. Hermann Rioux, de Trois-Pistoles, a fini par revenir dans le giron du Canadien: «Je prends pour eux autres, mais si Québec revient dans la Ligue nationale, je vais retrouver mes anciennes amours», dit-il. Ses chums le taquinent mais ils seraient bien d'accord pour revivre la grande rivalité: «Le but d'Alain Côté était bon», a d'ailleurs dit Hermann en me tendant la main quand je l'ai rencontré la première fois.

Avant d'entrer dans le bar, les gars ont jasé dans l'air chaud de la brousse africaine autour de quelques tables en avalant des Flag ou des Castel, les bières burkinabè. Ils ont tous parlé de Jaroslav Halak et posé des questions sur Carey Price. Les gars de l'Abitibi connaissent leur hockey: «Coudon, Bob Gainey, il l'aimait donc bien, Carey Price?», ont-ils demandé.

C'était un grand amour, c'est assez évident...

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Avant de monter jusqu'à Mana dans la brousse, je suis allé à l'hôpital national de Ouagadougou. Vous ne pouvez pas avoir la moindre petite idée. Impossible de s'imaginer l'état des lieux et les conditions dans lesquelles on soigne les malades. Par exemple, on ne pratiquait plus d'opérations chirurgicales depuis cinq jours parce qu'il n'y avait plus de produit anesthésiant.

Sachez que le salaire moyen est d'environ 1 $ par jour. Donc, une jeune femme qui est malade doit payer 5 $ pour sa consultation avec le médecin. Puis, 5 $ pour les tests. Ajoutez 75 $ pour tous les examens sanguins pré-opératoires et 100 $ pour l'opération chirurgicale elle-même. Puis, il faut passer 15 jours à l'hôpital à 1,25 $ par jour. Et après, il faut prévoir 25 $ pour les médicaments. Autrement dit, ça représente huit mois de travail. Six jours par semaine, évidemment. À 40oC sans climatisation.

Je voulais juste en glisser quelques mots pour bien se rappeler que nos petits gars jouent du bon hockey. Et qu'ils vont à Sainte-Justine au moins une fois par saison.

DANS LE CALEPIN - On vient de m'apprendre qu'on devrait être capable de présenter le quatrième match en direct. Le serveur à Montréal va télécharger je ne sais comment les images et le son à Mana. On espère que la qualité de la retransmission va être bonne. Faut se préparer pour la finale. Go Habs go! On va gagner... directement de Mana.

Photo: Réjean Tremblay, La Presse

À la mine d'or de Semafo, à Mana au Burkina Faso, des travailleurs québécois suivent religieusement le CH.