En raison d'une forte demande et d'une hausse du prix des matériaux, le coût des travaux de modernisation et de rénovation des infrastructures municipales a augmenté ces dernières années au rythme de 15 à 20% l'an.

C'est ce qu'affirme le président de l'Association des ingénieurs municipaux du Québec (AIMQ), Dany Lachance. Son association regroupe 250 ingénieurs, à l'emploi des 100 plus grandes villes du Québec.

Pour étoffer son propos lors d'une entrevue, M. Lachance, qui travaille pour la Ville de Lévis, dit qu'il a lui-même constaté cette fabuleuse hausse de coûts en faisant effectuer le même genre de travaux, avec un décalage d'un an.

Et cette flambée des coûts des travaux d'infrastructures municipales ne peut qu'empirer en cette folle année 2010, alors que le Québec est engorgé de chantiers de re...construction de routes, de conduites d'eau, d'égouts, de ponts.

À cause de la date butoir du 31 mars 2011 imposée par le Plan d'action économique des infrastructures du gouvernement Harper, toutes les municipalités ont senti l'urgence de devancer et d'accélérer la modernisation de leurs infrastructures. Plus de 3 milliards de dollars de travaux sont prévus cette année. C'est presque trois fois plus qu'en temps normal.

Pourquoi cette ruée? Parce que les municipalités veulent tout simplement profiter de la manne des subventions fédérales et provinciales accordées en vertu de ce plan fédéral, à la condition de terminer les travaux d'ici la fin de mars 2011. Les travaux d'infrastructures effectués en vertu du programme fédéral sont financés en parts égales, un tiers par le fédéral, un tiers par le provincial et un dernier tiers par le municipal.

Les municipalités courent toutefois un gros risque financier. Si les travaux ne sont pas terminés à la date butoir du 31 mars 2011, le gouvernement Harper ne leur versera pas la subvention promise.

Pour l'Union des municipalités du Québec (UMQ), cette épée de Damoclès met une énorme pression sur les municipalités. Et par voie de conséquence, cela a pour effet de donner le gros bout du bâton aux entrepreneurs et aux firmes de génie-conseil.

L'UMQ a demandé au gouvernement Harper de reporter à plus tard la fameuse date butoir du 31 mars 2011. Jusqu'à présent, elle a eu droit à un non catégorique. Et du côté du gouvernement Charest, on laisse l'UMQ se démerder avec son problème!

Comme sa firme est spécialisée dans le domaine du génie municipal, le président d'Equiluqs, Guy Jobin, est bien au fait de la délicate position dans laquelle se retrouvent actuellement nombre de municipalités par rapport à la date butoir du 31 mars 2011.

Moi, dit-il, je ne fais pas de politique. On fait des estimations de coûts pour les donneurs d'ouvrage (municipalités, entrepreneurs). Toutefois, il convient que la date butoir du 31 mars 2011 cause un problème. «La date butoir, ce qu'elle vient faire là-dedans, elle vient créer une pression indue...»

Il va de soi que plus le carnet de commandes des entrepreneurs en travaux d'infrastructures est rempli, plus ils deviennent indépendants et plus les prix risquent d'augmenter. Une simple question d'offre et de demande. Dans ma chronique de samedi dernier «Des infrastructures à prix gonflés», le président de l'UMQ, Marc Gascon, admettait que le surnombre de projets d'infrastructures en cours créait une pression potentielle sur le coût des travaux en raison de l'inflexible date butoir du 31 mars 2011.

Selon Dany Lachance, de l'AIMQ, le temps joue toujours contre tout le monde.

«Si vous voulez faire des travaux dans votre maison privée, et que vous dites à l'entrepreneur que tout doit être terminé pour le 24 juin, le coût des travaux va augmenter d'un coup sec. Si vous dites au même entrepreneur , écoutez, on veut faire des travaux, sans imposer de date limite, alors là il sentira moins l'empressement. Et ça coûtera moins cher.»

L'empressement joue contre les municipalités. «Ah oui, c'est un mauvais cocktail.»

D'autant plus, qu'au Québec, la période de travaux d'infrastructures est écourtée à cause de l'hiver. Janvier et février... c'est carrément mort. Concernant les travaux d'asphaltage, la période va seulement du début de mai à la fin d'octobre.

Revenant sur la date butoir imposée par le fédéral, M. Lachance rappelle qu'il avait mis en garde le ministère des Affaires municipales, lequel ministère agit comme coordonnateur de tous les projets d'infrastructures subventionnés en vertu du Plan d'action fédéral.

En cette année de surchauffe dans la réalisation de projets d'infrastructures, M. Lachance craint que les conditions menant à de possibles collusions et ententes entre les entreprises intéressées soient réunies.

Vigilance oblige, conseille-t-il à ses collègues municipaux!