Pour deux clubs qui projettent des images aussi contrastées - les gros gars intimidants de Philadelphie contre les p'tits vite de Montréal - les Flyers et le Canadien se ressemblent étrangement.

Les deux équipes sont entrées en séries par la porte arrière, se qualifiant à leur tout dernier match du calendrier. Les deux ont réussi au cours du dernier mois des remontées improbables contre des équipes (les Capitals de Washington et les Penguins de Pittsburgh d'un côté, les Bruins de Boston de l'autre) qui semblaient assurées de l'emporter.

Et les deux ont atteint la finale de l'Association de l'Est en dépit des blessures de plusieurs joueurs, pas tous des moindres: Jeff Carter, Simon Gagné, Ian Laperrière et Brian Boucher chez les Flyers; Andrei Markov, Jaroslav Spacek et, brièvement, Hal Gill chez le Canadien.

La plus grande similitude, c'est toutefois devant le filet qu'on la trouve. Neuf ans et sept organisations après ses débuts chez les professionnels, le vagabond du hockey qu'est Michael Leighton doit encore constamment se battre pour démontrer qu'il est l'homme de la situation. Qu'il peut être le numéro un, l'homme de confiance de son entraîneur. Un peu comme Jaroslav Halak, dont les détracteurs ne cesseront sans doute jamais d'analyser les performances en les comparant au potentiel - j'insiste sur le mot potentiel - immense de celui qui est présentement son adjoint.

«C'est ce qui arrive avec les gardiens, a dit Leighton hier, au lendemain de son premier blanchissage en séries. Regardez Halak à Montréal. Il connaît une grande saison. Mais il a dû faire ses preuves encore et encore. Certains se demandent toujours si le Canadien doit y aller avec Price ou avec lui. Je pense qu'il s'est démarqué et qu'on dit finalement qu'il est l'homme de la situation. J'espère me retrouver un jour avec un club qui me dise: «Tu es notre homme». J'ai une occasion ici et j'en profite.»

Et comment. Oubliez le blanchissage de dimanche. Plus importante était la manière. À sa quatrième partie depuis qu'il a pris la relève de Brian Boucher, blessé à un genou, Leighton a paru calme et confiant, toujours bien placé pour stopper la rondelle et composant sans mal avec certains tirs déviés dirigés vers lui. Comme si tout était facile. Comme le Halak des cinquième, sixième et septième matchs de la série contre Washington, mettons. Le barrage de tirs en moins, évidemment.

De l'aveu même de l'entraîneur Peter Laviolette, Leighton a sauvé la saison des Flyers quand ils l'ont réclamé au ballottage à la mi-décembre pour remplacer Ray Emery, blessé. Il avait alors maintenu une fiche de 8-1-1 en 10 parties et permis aux Flyers de s'extirper de la cave du classement de l'Association de l'Est.

Cinq mois plus tard, et après avoir lui-même passé près de deux mois sur la liste des blessés, Leighton risque de nouveau de jouer un rôle crucial dans le sort de son équipe. À l'aube de la série Montréal-Philadelphie, il était l'unique point d'interrogation au sein d'une formation très équilibrée en attaque, même en l'absence de Jeff Carter, et forte d'un quatuor solide à la ligne bleue (Pronger, Timonen, Carle et Coburn). S'il continue de jouer comme il l'a fait au cours du premier match, la saison des Flyers risque fort de se poursuivre jusqu'en juin. Et celle du Canadien pourrait connaître une fin abrupte.

On n'en est pas encore là, bien sûr. Le CH peut tout aussi bien rebondir ce soir et revenir à Montréal avec une égalité dans la série. Il y a des précédents, comme Sidney Crosby et Alexander Ovechkin peuvent en témoigner. Personne ne s'étonnerait de voir Halak réaliser une fois de plus quelques miracles.

Mais si j'étais un partisan des Flyers, j'aurais confiance. En plus de pouvoir s'appuyer sur un gardien qui fait très bien (moyenne de 1,12 et taux d'efficacité de 95,9% en quatre parties), les joueurs des Flyers n'ont visiblement aucune intention de s'asseoir sur leurs lauriers.

On aurait pu s'attendre à ce qu'ils soient pleinement satisfaits d'une victoire sans appel de 6-0. Mais dans les minutes qui ont suivi la rencontre, et hier encore après leur séance d'entraînement, l'accent était plutôt mis sur les choses qu'il fallait améliorer. Daniel Brière a déploré le lent début de match des siens, qui ont laissé le Canadien dominer 13-6 au chapitre des tirs au but en première période. Le capitaine Mike Richards a noté que les Flyers s'étaient parfois sortis eux-mêmes du jeu en affichant un trop-plein d'agressivité au cours des 20 premières minutes. Simon Gagné a souligné que les Flyers devaient mieux se débrouiller à cinq contre cinq. Et ainsi de suite.

«Les gars comprennent qu'ils ne peuvent pas se contenter du statu quo. Même si on a gagné 6-0, il faut qu'on en fasse plus encore», a résumé Chris Pronger. Un tel perfectionnisme est la marque d'une équipe qui n'est pas rassasiée.

Le Canadien, lui, était peut-être un peu trop satisfait de lui-même en lever de rideau de cette série. Comme si le fait d'avoir passé trois jours à Montréal à baigner dans l'amour et l'adulation des partisans avait convaincu les joueurs qu'ils étaient les plus beaux et les plus fins.

C'est une erreur qu'ils n'ont pas le luxe de répéter.