Par quoi commencer?

Par les deux buts de Michael Cammalleri, parti pour en marquer une bonne vingtaine dans ces séries si la marche implacable du Canadien se poursuit jusqu'à... la Coupe Stanley? (Ne riez pas. Moi, je ne ris plus.)

Par Jaroslav Spacek, qui avait l'air de tout sauf d'un gars étourdi à son retour au jeu après une absence de trois semaines?

Par Maxim Lapierre, qui ne marquera probablement jamais de plus beau but que celui qu'il a inscrit hier soir?

Ou alors par P.K. Subban, le p'tit nouveau si culotté, si énergique, si enthousiaste, qui a joué 29 minutes 11 secondes bien comptées, plus que n'importe quel autre joueur sur la patinoire, y compris un certain Sidney Crosby?

On peut prendre ce match par n'importe quel bout. Le résultat sera toujours le même: une soirée folle, folle, folle, dans une ambiance démentielle au Centre Bell, dont la foule semble repousser de soir en soir sa capacité à soulever les joueurs. À moins que ce ne soit l'inverse.

Dans l'avion qui les a ramenés hier soir à Pittsburgh, les Penguins devaient rager en repensant à toutes les occasions qu'ils ont ratées de mettre le match hors de la portée du Canadien. La fois où le sifflet (trop) rapide de l'arbitre a annulé le but marqué contre Jaroslav Halak en fin de première période. La fois où Kristopher Letang a été incapable de tirer par-dessus Halak, étendu sur la glace sans son bâton pendant une punition à Maxim Lapierre, en deuxième. Ou la fois, juste après, où Sergei Gonchar et Evgeni Malkin ont tour à tour touché le poteau.

Un gardien fait sa chance, dit-on. Si c'est le cas, Jaroslav Halak a dû travailler encore plus fort que les 34 arrêts qu'il a effectués ne l'ont laissé paraître. Car il a eu une veine de cocu. Mais, à une exception près (j'y reviens), il a fait les arrêts qu'il fallait.

On ne peut pas en dire autant de Marc-André Fleury, qui semblait enlisé dans des sables mouvants devant son filet. Ce ne sont pas tant les buts qu'il accordés - à ce compte-là, le plus mauvais but de la soirée est celui dont Halak a fait cadeau à Kristopher Letang en laissant la rondelle glisser sous son bras droit - mais plutôt l'impression générale qu'il dégageait: positionnement approximatif, mitaine incertaine, déplacements étrangement lourds et pénibles pour ce gardien d'ordinaire si acrobatique. Comme si la frénésie du Centre Bell - serviettes blanches qui tournoient à n'en plus finir, ovation debout de 90 secondes à Cammalleri et tout ce bruit qui se répercutait comme une vague inlassable sur les murs de l'amphithéâtre - lui avaient pesé sur les épaules comme une chape de plomb. Il n'a pas joué comme le gardien d'un club censé être un des favoris pour remporter la Coupe Stanley.

Mais ce n'est pas de la faute de Fleury si le Canadien, à compter du milieu du match, est sorti de son état catatonique et s'est mis à tournoyer dans la zone des Penguins. Rarement a-t-on senti le vent tourner de bord de manière aussi subite et aussi marquée qu'hier soir. Le trio de Lapierre, Tom Pyatt et Dominic Moore a coincé les Penguins dans leur zone pendant pas loin d'une minute à mi-chemin en deuxième, puis Cammalleri a fait 2-2 du revers après une belle passe d'Andrei Kostitsyn.

Juste après, il y a eu une pause publicitaire de 90 secondes pour la télé. Et quelqu'un chez le Canadien a eu le bon sens et l'intelligence, pour une fois, de nous épargner les jeux bruyants et débiles qu'on nous inflige d'ordinaire au Centre Bell. On a laissé la foule s'exprimer. Et le bruit a enflé et enflé encore, jusqu'à en devenir assourdissant.

À bien y penser, c'est sans doute là que j'aurais dû commencer. Car on a tout de suite eu le sentiment que quelque chose de spécial était en train de se passer. Ce que le but de Spacek est venu confirmer peu après. Le Canadien, sans qu'on y comprenne quoi que ce soit, venait de prendre le contrôle de la partie, après avoir servi de sous-tapis aux Penguins pendant 30 minutes. Fou de même.

* * *

Et maintenant, quoi? Qui serait assez fou pour prédire l'échec du Canadien après les avoir vus hier soir? (Je m'y suis déjà essayé pendant la série contre Washington, on ne m'y reprendra plus). Même sans Markov, même sans Hal Gill, ils ont gagné hier soir. Les vedettes du Canadien, les Gomez, Gionta, Cammalleri et autres, dont on pouvait craindre en début de saison qu'ils ne soient qu'une bande de mercenaires, se sont fondus dans un collectif et acceptent de se sacrifier pour la cause. (Voyez ces moments où les cinq joueurs se replient dans un rayon de 10 pieds autour du filet de Halak).

Je ne sais pas si la foi soulève vraiment les montagnes. Mais la foi que les joueurs du Canadien semblent éprouver les uns envers les autres pourrait les mener loin.

* * *

Un bémol, tout de même. Le fameux «momentum» peut porter une équipe à l'intérieur d'un match. Mais il lui arrive souvent de s'évaporer mystérieusement entre deux parties. Voyez ce qui est arrivé aux Hawks, battus franchement par les Canucks après les avoir massacrés. Ou aux Red Wings, dont la victoire de 7-1 contre les Sharks ne les a pas empêchés d'être éliminés au match suivant.

Je dis ça comme ça.

Photo: Robert Skinner, La Presse

Michael Cammalleri, qui a reçu la première étoile, est félicité par ses coéquipiers après avoir marqué le premier de ses deux buts tôt en première période.