Nous voici au mois de mai et le Canadien est encore en vie. Ça nous change. On ne pensait même pas qu'il serait dans le détail.

Et puis qui aurait pu prédire une victoire sur les Capitals de Washington, la meilleure équipe de la Ligue nationale en saison régulière? Qui?

Sauf que les vieux chroniqueurs de hockey ont vu des choses aussi bizarres se produire plusieurs fois. Et ces surprises se produisent souvent sous un nouvel entraîneur, un homme qui donne un solide coup de barre et qui change le visage d'une équipe.

Pensez à Jean Perron, entraîneur-recrue en 1986. Il a tout d'un coup favorisé les jeunes dans une organisation qui n'allait nulle part. En finale, il y avait une douzaine de recrues dans son équipe. Patrick Roy et Claude Lemieux, bien sûr, mais aussi Brian Skrudland, Mike McPhee, Mike Lalor, Steve Rooney et d'autres dont on a vite perdu la trace.

Pat Burns l'a remplacé et il a mis de l'ordre dans une équipe indisciplinée, autant sur la patinoire qu'à l'extérieur. J'ai côtoyé de près la folle escouade des Chelios, Corson, Svoboda, Kordic, Courtnall... Ils n'étaient pas des anges, mais ils baissaient les yeux devant l'entraîneur.

Pat Burns les a ramenés à la finale de la Coupe Stanley dès sa première saison.

Même Jacques Lemaire, qui a hérité d'une lamentable équipe au début des années 1980, une des pires de l'histoire du CH, peut-être la plus lente.

Le talent n'était pas là, alors il en a vite fait une machine disciplinée et défensive à l'excès, plate à voir, mais efficace. Assez pour battre les Nordiques de Québec, beaucoup plus talentueux mais mal dirigés, et c'était le plus important à l'époque. Un médiocre Canadien a surpris en atteignant la demi-finale dès la première saison de Lemaire.

La secte New Age...

Et bien sûr, en 1993, Jacques Demers, nouvel entraîneur du Canadien, avait entre les mains une équipe assez talentueuse, mais complexée devant Mario Lemieux, Wayne Gretzky et les puissances du temps. Demers a appris à ses joueurs à croire en eux. Celui qu'on appelait Monsieur Positif dirigeait une sorte de secte New Age, une bande d'illuminés qui croyaient tout possible et ils ont remporté une autre Coupe Stanley inattendue. Tout était, effectivement, possible.

Ce qui nous amène à Jacques Martin. Quel coup de barre a-t-il donné?

Celui de la patience, du travail bien fait, de la discipline, de la modestie. Lui aussi a hérité d'une équipe aussi indisciplinée sur la patinoire qu'à l'extérieur. Une équipe fofolle qui n'allait vraiment nulle part.

On dira, comme on disait de Perron et Demers, que leur système, c'était le gardien de but, Patrick Roy.

Il y a du vrai là-dedans, mais ça n'explique pas tout.

D'abord le nombre de lancers accordés. Oubliez cette statistique qu'on nous rabâche sans arrêt et qui est souvent trompeuse. Comptez plutôt les bonnes chances de marquer. Vous verrez que les lancers viennent rarement de près ou de l'enclave.

On pourrait lancer 100 fois de loin ou d'un mauvais angle sur Halak et il arrêterait probablement toutes les rondelles. Et puis, ajoutez tous les lancers bloqués avant de se rendre au but. Il y a un plan là-dedans.

Nous voici au mois de mai et le Canadien est toujours vivant, grâce en grande partie à un entraîneur à sa première saison à Montréal.

L'histoire se répète, comme disent les Newfies. Une équipe intelligente et bien dirigée peut battre un adversaire qui a beaucoup plus de talent.

Demandez aux Capitals.

Enfin, il serait bon que Jacques Martin sache qu'un départ canon ne garantit pas une longue carrière derrière le but du Canadien. On a beau réaliser des petits miracles, l'année suivante, tout est oublié et on repart à zéro.

Survivre deux ans est un exploit à Montréal.

Camarades!

L'agence de nouvelles CanWest rapporte que, selon une enquête auprès de 300 employeurs canadiens, les séries éliminatoires de hockey impliquant le club local sont une bonne chose.

Toutes ces conversations autour de la machine à café, toutes ces discussions, les sorties en groupe et les pools internes favorisent la camaraderie dans l'entreprise et même la productivité, selon la majorité des patrons interrogés.

Mais ça, on l'avait deviné, n'est-ce pas? Ça saute aux yeux.