Les choses ne peuvent plus continuer ainsi, tout le monde s'entend pour le dire. Depuis 2005, les cinq premiers transporteurs américains ont accumulé des pertes de 29 milliards US!

Les compagnies aériennes ne sont plus au bord du gouffre, elles sont tombées dedans. D'où cette idée - qui n'est pas nouvelle - de grossir. Pour dégager des économies d'échelle et effacer les pertes. Plus simplement, pour se sortir du trou.

 

En 2009, United Airlines a perdu 651 millions US, tandis que son chiffre d'affaires chutait de 19%, à 16,3 milliards US (tous les montants sont en dollars américains). De son côté, Continental Airlines a vu ses profits fondre de 282 millions, cependant que ses revenus chutaient de 17%, à 12,6 milliards.

Bien sûr, c'était l'année de la crise financière. Mais avant cela, il y a eu la flambée du prix du pétrole et les attentats du 11 septembre 2001. Et depuis, il y a ce volcan islandais au nom impossible à prononcer. Bref, il y a toujours quelque chose qui coupe l'élan des transporteurs. Pertes que les nouveaux frais de tout acabit imposés aux voyageurs n'arrivent pas à combler.

Deux entreprises déficitaires peuvent-elles devenir profitables ensemble? Les instigateurs de la fusion United-Continental croient pouvoir rentabiliser leurs activités au terme de cette transaction par échange d'actions d'une valeur estimée à 3 milliards. En devenant le premier transporteur mondial, ils anticipent des économies d'échelle et des revenus supplémentaires de plus de 1 milliard de dollars d'ici 2013.

La croyance populaire veut que les grandes compagnies aériennes n'aient pas le choix de fusionner pour faire face à la concurrence, de transporteurs internationaux comme de transporteurs à rabais. Mais une fusion, c'est beaucoup plus facile à annoncer qu'à réaliser.

Par ailleurs, même en supposant que ce mariage soit béni par les autorités antitrust, les avantages associés à une entreprise de plus grande taille sont parfois surestimés.

Intégrer le personnel de deux transporteurs est une opération fort délicate. Rappelez-vous le psychodrame qui est survenu lors de la fusion des listes d'ancienneté des pilotes et des agents de bord d'Air Canada et des Lignes aériennes Canadien International.

La question est d'autant plus sensible que c'est l'ancienneté qui détermine l'appareil qu'un commandant pilote et, par ricochet, le salaire qui y est associé.

Cinq ans après leur réunion au sein d'un même transporteur, les pilotes de US Airways se disputent encore avec leurs collègues originaires d'America West! En revanche, les commandants de Delta et de Northwest Airlines en sont venus rapidement à un accord, après l'annonce de la fusion de ces deux transporteurs, en 2008. Mais le nouveau contrat de travail de ces pilotes, qui a été négocié avant la conclusion officielle de cette transaction, prévoyait des hausses de salaire significatives.

Les pilotes de United, qui ont fait les frais d'une restructuration judiciaire, s'attendent aujourd'hui à un rattrapage salarial. C'est d'autant plus vrai qu'ils sont moins bien payés que leurs confrères chez Continental. Les pilotes de Continental, quant à eux, ne voudront pas être en reste, surtout qu'ils sont membres du même syndicat. Or, ces concessions pourraient gruger les bénéfices attendus de cette fusion.

Parallèlement, les revenus supplémentaires espérés par les dirigeants de United et de Continental ne seront peut-être pas au rendez-vous.

Ces dirigeants croient qu'en redessinant la carte de leurs liaisons aériennes, ils pourront supprimer les vols qui se dédoublent, en ajouter d'autres et relever les tarifs aériens. C'est ainsi qu'ils espèrent aller chercher plus de 800 millions en revenus supplémentaires.

Toutefois, ces hausses de tarifs seront de courte durée. Même en détrônant Delta, la concurrence internationale reste très vive.

Aux États-Unis, les transporteurs à rabais comme AirTran, JetBlue et Southwest Airlines s'empresseront d'offrir de nouveaux vols sur les liaisons qui offrent de belles marges de profits, faute d'une concurrence vive. C'est sans parler des entrepreneurs des airs qui peuvent lancer facilement des transporteurs en louant des avions plus âgés qui rouilleraient autrement. Même si ces compagnies aériennes sont éphémères, elles peuvent casser les prix et réduire à zéro la rentabilité de certaines liaisons aériennes.

Les transporteurs américains n'ont peut-être pas le choix de voir plus grand. Mais il ne faut pas s'illusionner non plus. Une fusion dans cette industrie historiquement déficitaire, ce n'est pas un ticket aller simple vers l'île de la rentabilité exubérante.