J'ignore si le Canadien gagnera cette série en fait, je crois me rappeler avoir écrit qu'il la perdrait, pas plus tard qu'il y a deux jours. Mais grâce à leur performance d'hier soir à Washington, les joueurs de Jacques Martin se sont donné une chance de causer une surprise majeure.

Le Canadien a été admirable contre les Capitals. Et personne ne l'a été plus que Jaroslav Halak. Le gardien slovaque s'est montré spectaculaire et a sorti son jeu des grands jours, comme il l'a fait si souvent cet hiver quand le Canadien avait impérativement besoin d'une victoire.

 

J'ai l'habitude de marquer les arrêts clés des gardiens d'un astérisque dans mes notes de match. À la fin de la rencontre d'hier, il y avait dans mon calepin autant de ces petites étoiles qu'il devrait y en avoir dans le livre des records du baseball majeur. C'est-à-dire beaucoup.

Brillant dans le match d'ouverture de la série, Halak en avait arraché à ses deux autres présences. La ronflante moyenne de 4,06 et le taux d'efficacité de 88,7% qu'il affichait au moment de la mise au jeu initiale, hier, en témoignaient avec éloquence.

La décision de lancer Carey Price dans la mêlée pour le quatrième match avait été la bonne. Mais après la fin de match houleuse de Price, coupable de deux infractions pour conduite antisportive, Martin devait revenir avec son autre gardien. Après tout, si le Canadien participe aux séries, c'est à Halak qu'il le doit.

Le repos d'un match a semblé faire du bien au gardien de 24 ans. Calme, alerte, vif dans ses déplacements et contrôlant bien les retours de lancers, Halak a frustré à répétition les joueurs des Capitals, de Brendan Morrison à Tomas Fleischmann en passant par Joe Corvo, Mike Knuble, Nicklas Backstrom et Alexander Semin qui a joué son meilleur match jusqu'ici, et de loin, lançant neuf fois au but.

Halak a bloqué des tirs voilés de la ligne bleue, a stoppé des demi-échappées et s'est montré intraitable dans les mêlées autour de son filet. Du grand art et sûrement matière à réflexion pour Pierre Gauthier, qui aura un jour des décisions à prendre au sujet de ses gardiens.

Mais Halak n'était pas seul. On a senti dès les premières minutes de la rencontre que les joueurs du Canadien, loin d'avoir abdiqué malgré le déficit en apparence insurmontable de 3-1 dans la série, allaient en faire baver à leurs adversaires. Ils ont exercé une pression constante en zone des Capitals la meilleure façon d'éviter que les attaquants explosifs comme Alex Ovechkin atteignent leur vitesse de croisière en zone centrale.

Jacques Martin, qui a connu une excellente soirée lui aussi, s'est montré inspiré en remplaçant Benoit Pouliot par Travis Moen aux côtés de Scott Gomez et Brian Gionta. Pouliot faisait du surplace depuis le début de la série; Moen, en plus d'ajouter une dimension physique qui faisait défaut au premier trio du Canadien, a récompensé son entraîneur en marquant ce qui allait s'avérer le but vainqueur.

Échaudé par les remontées des Capitals plus tôt dans la série et par la domination que l'équipe de Bruce Boudreau a exercée toute l'année en troisième période, Martin a joué le tout pour le tout en laissant de côté plusieurs joueurs en troisième période. Andrei Markov, Josh Gorges et Hal Gill étaient omniprésents sur la glace, pendant que Roman Hamrlik, ordinaire dans cette série restait au banc. Scott Gomez et Brian Gionta ont aussi joué plus de 24 minutes chacun, pendant que Pouliot et Sergei Kostitsyn se contentaient de moins de cinq minutes de temps de jeu. La fatigue aurait pu jouer des tours au Canadien, mais en définitive, le pari s'est avéré payant.

L'autre élément positif du jeu du Canadien, c'est son travail en infériorité numérique. Blanchis six fois avec l'avantage d'un homme, hier, les Capitals n'ont marqué qu'à une reprise en 23 occasions depuis le début de la série. Un exploit, compte tenu de la force de frappe de l'adversaire, qui a marqué plus de buts que n'importe quelle autre équipe de la LNH cette saison.

On peut toutefois se demander si les Caps ne sont pas un peu les artisans de leur propre malheur. Heureusement que les séries éliminatoires ne comptent pas pour le trophée Norris, car Mike Green n'aurait jamais été mis en nomination au titre de meilleur défenseur. Le jeune quart-arrière des Caps connaît une série misérable contre le Canadien, multipliant les hésitations, les passes molles et les revirements.

Le Canadien est loin, très loin d'être sorti de l'auberge. Mais il s'est donné hier le droit d'espérer. C'est déjà un grand pas en avant. (La Presse)