Bruce Boudreau est un cinéphile averti. Quand il dirigeait les Monarchs de Manchester, dans la Ligue américaine, il animait une émission sur le cinéma à la radio locale. «Vous pouvez dire que je suis Roger Ebert avec un sifflet», écrit l'entraîneur des Capitals dans Gabby, sa très divertissante autobiographie.

J'ignore si Boudreau préfère les fins heureuses aux dénouements tragiques. Mais il n'aurait sûrement pas donné le fameux «two thumbs up» au scénario de Pour toujours les Canadiens. Sans dévoiler le punch, disons qu'une certaine équipe tricolore a rendez-vous dans la dernière bobine avec un gros trophée argenté bien connu. Rien pour plaire à un entraîneur né à Toronto qui déteste le Canadien depuis son enfance.

Le Canadien - le vrai, pas sa version sur grand écran, qui marine dans la nostalgie et met encore en vedette Saku Koivu et Alex Kovalev - est encore loin, très loin de la Coupe Stanley après sa victoire de jeudi. Si, comme le veut l'adage éculé, un match ne fait pas une série, il fait encore moins un printemps.

Reste que si Boudreau veut éviter que la merveilleuse saison des Capitals prenne fin aussi abruptement qu'un film de Michael Haneke, il ferait bien de rappeler ses meilleurs joueurs à l'ordre avant le second match de la série opposant les Caps au Canadien, ce soir, au Verizon Center de Washington.

Nicklas Backstrom a été excellent dans la défaite des Capitals, jeudi, si on oublie charitablement la pénalité coûteuse ayant mené au but de Michael Cammalleri, et la descente à trois contre un qu'il a gaspillée en prolongation.

Pour le reste, les supervedettes des Capitals ont été éclipsées par les vedettes (tout court) du CH. Mike Green a repris là où il avait laissé en séries l'an dernier: il a fini la soirée à -1 et a écopé en fin de troisième période d'une punition pour avoir retardé la partie qui aurait pu être fatale aux Capitals. Alexander Semin a joué les figurants et est resté en périphérie de l'action toute la soirée. Et Alexander Ovechkin - qui a marqué seulement quatre buts en mars, incidemment - semblait sur le pilote automatique. «Il n'a pas bien joué du tout», a dit Boudreau, comme s'il décrivait la performance de Sylvester Stallone dans (insérez ici le navet de votre choix).

En fait, les Capitals sont chanceux que José Théodore, qui n'a rien à se reprocher sur le but vainqueur de Tomas Plekanec, se soit montré aussi solide que Jaroslav Halak.

La force des vieux

Par comparaison, les meilleurs joueurs du Canadien ont été à la hauteur des attentes, à commencer par Scott Gomez. En voyant l'homme de huit millions traverser la patinoire de bout en bout pour aller marquer en troisième, je repensais à la description que fait Boudreau, dans son livre, du premier match entre ses Capitals et les Rangers, l'ancienne équipe de Gomez.

«La vitesse de Scott Gomez m'avait frappé, écrit-il. Je n'avais jamais vu un joueur patiner aussi vite. Je m'étais dit, wow, pas étonnant que New Jersey ait gagné ces Coupes Stanley quand il jouait pour les Devils.»

C'est un peu à ça que j'ai fait allusion quand j'ai écrit hier que Bob Gainey devait sourire en regardant la performance des joueurs qu'il a embauchés l'été dernier - une remarque qui m'a valu d'être bombardé de courriels me rappelant les mauvais coups de l'ancien DG du Canadien.

De Mike Ribeiro à Mark Streit en passant par François Beauchemin, le bilan de Gainey n'est pas sans tache, c'est l'évidence. Mais pour faire une analogie qui, bien que très imparfaite, plairait sûrement à Bruce Boudreau, la filmographie de Francis Coppola, mettons, n'est pas sans bide non plus. (Pour un Parrain ou un Apocalypse Now, combien de Jack ou de Dracula?)

C'est vrai, Gainey a empêché le Canadien de respirer à son aise sous le plafond salarial en accordant plusieurs longs et lucratifs contrats à des joueurs autonomes, l'été dernier, après avoir conclu la transaction qui a amené Gomez et son énorme salaire à Montréal.

Mais le détail qu'on a tendance à oublier, c'est qu'il a mis la main sur des joueurs qui ont une vaste expérience des séries. Gomez a deux bagues de la Coupe Stanley à son actif. Brian Gionta, Hal Gill et Travis Moen en ont une chacun. Jaroslav Spacek et Marc-André Bergeron ont atteint la finale avec les Oilers en 2006.

La présence et le calme de ces joueurs qui ne sont pas tombés de la dernière pluie n'a sûrement pas nui au Canadien, jeudi soir. Une équipe moins aguerrie aurait facilement pu s'écraser après la mitraillade que lui a fait subir les Capitals en première période.

Qu'on ne se méprenne pas: je ne suis pas en train d'affirmer que le Canadien va battre les Capitals. J'ai prédit une victoire de Washington en six parties et je reste sur mes positions. Reste que si Bruce Boudreau aime autant le septième art qu'il le dit, et qu'il veut montrer à ses jeunes loups la voie à suivre, il pourrait faire pire que de leur présenter un petit film de la performance des vétérans du CH dans le match initial de la série.

On a donné des Oscars pour moins que ça.

Photo: AP

Les supervedettes des Capitals, dont Alexander Ovechkin, ont été éclipsées par les vedettes (tout court) du Canadien, jeudi.