À la suite de mon éditorial de samedi le 10 avril, sur la situation linguistique au Québec, j'ai reçu de très nombreux courriels, la plupart venant de lecteurs en désaccord avec mes arguments. J'en cite quelques-uns, représentatifs de l'ensemble :

Oui, ce peuple est en danger de mort. Observez la baisse de la qualité de la langue française (même à Radio-Canada), le décrochage scolaire et reconnaissez l'attrait de la langue anglaise, majoritaire en Amérique de Nord. Sans oublier l'Internet...Soyez réaliste.

Si vous niez cela, je doute de votre bonne foi.

Micheline Gauvin (Québec)

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Cher M. Pratte,

Alors si Montréal ne s'anglicise pas, allez donc vous promener le midi, angle Peel et Ste-Catherine ET ÉCOUTEZ....

Michel Borduas, St-Julien

Monsieur Pratte,

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J'ai lu votre éditorial de ce jour et je ne peux m'empêcher de vous inviter à prendre un peu de recul et à réexaminer votre propre texte, en oubliant celui de M. Curzi.

 

Je vous cite : « Comment peut-on parler d'anglicisation du Québec alors que depuis 1941, la proportion de personnes de langue maternelle anglaise ne cesse de glisser, de 14,1 % à l'époque à 10,6 % aujourd'hui? Même chose pour le pourcentage de personnes utilisant surtout l'anglais à la maison (langue d'usage), qui est passé de 14,7 5 à 10,6 % malgré le puissant attrait qu'exerce cette langue sur les immigrants. «

 

Ce que ces chiffres démontrent, c'est que de plus en plus de gens parlent grec, italien et serbe à la maison et que, lorsque ces québécois se rencontrent sur la rue, ils utilisent l'anglais (la nouvelle lingua franca) pour se parler entre eux et ils font de même lorsqu'ils vous accueillent dans leurs boutiques et leurs restaurants. Ce que je trouve personnellement tout à fait normal, étant donné « le puissant attrait qu'exerce cette langue sur les immigrants « et compte tenu qu'on ne peut renverser le cours de l'histoire.

 

Enfin, monsieur Pratte, lorsque je lis la dernière phrase de votre éditorial...

« Soyons logiques : on ne peut pas soutenir que le Québec s'anglicise alors que le nombre d'anglophones diminue» ... je suis renversé par votre logique.

 

Jean-Louis Garceau

Citoyen de la municipalité de Montcalm ayant habité Montréal pendant plus de 25 ans

 

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Au fond, ces lecteurs me répondent par deux arguments. Un : la réalité sur le terrain (dans les commerces, sur la rue Ste-Catherine à Montréal...) montre que la métropole s'anglicise. Comme eux, j'ai vécu des incidents de ce genre : tel commis, de souche immigrante, ne peut servir ses clients en français.

Toutefois, il faut prendre garde de ne pas confondre l'anecdote à l'ensemble de la réalité. Ce portrait d'ensemble, c'est celui que fournissent les statistiques issues du recensement et des données compilées par l'Office québécois de la langue française. Or, ces données-là sont limpides :  la proportion de francophones au Québec reste ce qu'elle a toujours été : 80%. La proportion de francophones sur l'île de Montréal baisse, pas parce que celle des anglophones augmente mais parce que les francophones quittent en masse pour la banlieue. Enfin, le pourcentage des anglophones diminue année après année. Je réitère ce que je disais dans mon éditorial : on ne peut pas parler d'anglicisation quand il y a de moins en moins de personnes qui parlent anglais (anglais langue maternelle et langue la plus souvent parlée à la maison).

Deuxième argument : il y a de moins en moins d'anglophones, mais les immigrants, eux, adoptent l'anglais. Encore une fois, au-delà des anecdotes que nous avons tous vécues, les données sont claires : lorsque les allophones laissent tomber leur langue maternelle, c'est de plus en plus le français qu'ils adoptent.

Je suis bien conscient de la fragilité du français au Québec, compte tenu de notre contexte géographique et culturel. Bien conscient aussi de la nécessité d'être vigilant. J'estime toutefois qu'il faut éviter d'être alarmiste en affirmant que le Québec s'anglicise. L'alarmisme nous mènera à adopter des politiques excessives, plus néfastes qu'utiles.

Continuez de m'écrire à forum@lapresse.ca !

 

 



VOS COMMENTAIRES:

Débat inutile

Au risque de passer pour apostat, j'avoue me demander à quoi sert tout ce débat. La langue française va survivre aussi longtemps que les gens voudront l'utiliser. La preuve semble faite que les lois ont une portée restreinte en ce domaine. Je m'inquiète davantage de la qualité déplorable du français parlé et même de ce que je constate chaque jour à la lecture de mon quotidien régional dont les reporters ne signent plus leurs articles depuis quelques semaines, sans que la moindre explication ne nous ait été offerte. Et pour la langue parlée à la maison, peut-on souhaiter un minimum de respect pour la liberté des gens?

Guy Tremblay

Vous contribuez à l'alarmisme

Sachez que plus de 50 % des nouveaux arrivants sont issus de la France et de pays francophones (Algérie, Maroc, pays d'Afrique noire, etc.). Leur niveau de français est supérieur à la moyenne québécoise. Ils ont fait le choix de venir au Québec, car ils veulent vivre en français.

Se baser sur les deux ou trois commis basanés du centre-ville qui vous répondent en anglais pour dire que les immigrants adoptent l'anglais est une idiotie. Vous mettez en garde contre l'alarmisme, mais vous y contribuez en même temps.

Cela dit, il y a en effet un intérêt des immigrants pour l'anglais, mais comme outil de travail, comme atout supplémentaire pour décrocher un emploi. Car, très souvent, le facteur éliminatoire pour les immigrants francophones lors des entrevues c'est leur faible connaissance de l'anglais. Quoi de plus normal dès lors qu'ils cherchent à maîtriser la langue de Shakespeare, qui, du reste, s'impose de plus en plus dans le monde des affaires. Cela ne fait pas d'eux des anglophones en puissance pour autant. Il faut arrêter de penser que les immigrants adoptent l'anglais. C'est faux!

Tarek Tarika, Montréal

Inciter et non obliger

Je suis tout à fait d'accord avec vous et les arguments (statistiques et données) que vous nous fournissez. Je trouve ça déplorable qu'une personne qui entend deux personnes parler en anglais dans la rue au centre ville croit que cela représente le déclin du français à Montréal.

La plupart du temps, ces mêmes personnes sont aussi à l'aise de communiquer en français qu'en anglais.

J'ai quelques points à soulever:

1. le fait d'entendre quelqu'un parler anglais ne veut pas dire qu'ils ne connaissent pas le français ou ne l'utilise pas.

2. les immigrants: même s'ils ne parlent que l'anglais au début, ils vont forcément apprendre un minimum de français, puisque la réalité d'ici les force à l'apprendre

3. même si les nouveaux immigrants n'apprennent pas le français, leurs enfants, l'apprennent vite au cours de leurs études et deviennent souvent bilingues et même trilingues

4. quant aux rares commerçants qui ne servent pas le client en français, les francophones unilingue n'ont qu'à ne pas y fréquenter.

En tout ca, je pense que la minorité de la population qui crie haut et fort le déclin du français est un peu trop alarmiste. Les lois et les suggestions pour renforcer le français récemment me laisse inquiet. Je pense qu'on va trop loin. Ce m'est pas en forçant le monde à apprendre le français qu'ils vont l'apprendre. C'est en les incitant à l'apprendre.

Himono Otoko, Brossard

Le Québec devra faire face à la réalité

J'ai toujours admiré votre raisonnement face à nombre de problèmes qui affectent notre cher Québec. Mais vraiment, là, face au déclin indéniable du français, tant dans la qualité de ceux qui ne le parle qu'au travail, il est indéniable qu'il y a un problème de taille. Je veux bien croire les statistiques, mais comme dans bien d'autres domaines, on peut faire dire bien des choses à ces chiffres, et encore là, tout dépend du genre de question qui ont été posées pour saisir la réalité.

En somme peu importe les arguments et les raisonnements utilisés pour justifier tel ou tel position ou orientation, la baisse draconienne de natalité chez les francophones de souche, le peu d'attirance du français pour les allophones, et le manque évident de motivation des francophones pour améliorer leur français écrit et parlé, sont à mon avis les signes indéniables d'un déclin qui n'augure rien de bon à long terme. Donc à partir de là, qu'est-ce qu'on fait ? C'est le bilinguisme forcé, enfoncé dans la gorge, et perçu par un grand nombre ici au Québec comme une sorte de rite de libération, une porte d'entrée absolument nécessaire pour faire son ascension sociale, et partir à la conquête du monde. Je l'ai vécu personnellement à faible intensité, mes enfants l'ont vécu et le vivent tous les jours, et mes petits enfants baignent littéralement dans cette ambiance de bilinguisme absolu, une sorte d'immersion quasi permanente, du moins pour la grande région de Montréal.

Je suis un nationaliste qui a finalement perdu la foi, autant sur le plan de la religion que du nationalisme, en lequel j'ai cru beaucoup trop longtemps. Je suis maintenant à la retraite, et mon expérience de vie, et ma perception des Québécois de souche, ne m'inspire plus du tout. Le Québec est condamné à faire face un jour ou l'autre à sa propre réalité tant au plan social qu'économique et autre. Il devra, au delà de ses peurs et ses hésitations, devenir coûte que coûte, un peuple adulte, responsable, et cohérent avec ses propres choix. Il ne pourra plus bientôt continuer à quémander en même temps le beurre et l'argent du beurre, il lui faudra jouer dans la cour des grands sans nécessairement en avoir tous les atouts et sans être tout à fait préparé pour s'y sentir à l'aise.

Robert De Blois, ingénieur retraité - Québec

Le nous doit inclure tous les citoyens

J'ai lu les nouvelles concernant «l'anglicisation» croissante du Québec. Je crois que cela est un peu alarmiste et simpliste.

J'aime la langue française et je veux que son usage au Canada prospère. De plus, on a la chance de vivre dans un pays où les deux langues officielles sont les deux langues qui, si on les maîtrise, sont suffisantes pour voyager sur les cinq continents sans parler aucun autre idiome.

Il est normal, voire souhaitable, que les Québécois apprennent l'anglais comme langue seconde, car après tout on vit en Amérique du Nord, pas en Asie ou en Amérique du Sud. Aussi, pourquoi ne pas enseigner aussi aux petits Québécois une des langues des peuples autochtones, dépendant du territoire et de la nation autochtone la plus proche de leur école? Le but serait de faire connaître d'abord la culture canadienne et ses principales cultures-composantes: cultures canadienne-française, canadienne-anglaise et canadienne-«de souche» (c'est-à-dire celle des autochtones).

Ma seconde remarque porte sur l'utilisation du terme «allophone» que je trouve condescendant, voire frôlant le racisme. C'est quoi qu'on désigne par «allophone», une personne parlant «l'allo»? C'est rien d'autre qu'une façon de dire «les autres», ceux qui ne sont pas comme nous... Mais voilà: dans un pays, et une province, qui veut se bâtir grâce à l'immigration, cette dichotomie nous / allophones n'a pas sa place. Quand est-ce qu'un immigrant devient un Québécois? Après 3, 10, 30 ans...

Le nous doit inclure tous les citoyens. On devrait les désigner comme étant francophones ou anglophones uniquement en fonction de la langue qu'ils parlent le plus souvent dans le domaine public (au travail, à l'école, au magasin, etc.). Ce qu'ils parlent à la maison n'a pas d'importance, puisque tant et aussi longtemps qu'ils vivent leur citoyenneté dans l'une des deux langues officielles, ils sont soit francophones, soit anglophones, ou les deux, donc bilingues. Et cela peu importe leur langue d'origine.

Par exemple, désigner un Québécois issu d'une famille parlant l'espagnol en privé, à la maison, mais qui vit publiquement principalement en français comme un allophone c'est exclure quelqu'un qui est dans les faits un francophone. À moins qu'on veuille que le francophone idéal soit celui qui vit et pense en français et qui retrace sa généalogie quelque part dans l'Héxagone ou que l'anglophone soit son pendant qui parle uniquement anglais et qui a ces racines dans les Îles Britanniques... Mais ça fait longtemps que cela n'est plus le cas.

Ce que je viens de dire plus haut vaut aussi pour le reste du Canada.

Cristian Onesti, un ancien allophone du Québec, maintenant un francophone de l'Alberta...

La faute au dialecte québécois

Si la langue française continue de régresser au Québec ça n'a rien à voir avec la langue anglaise, mais bien parce que le dialecte québécois remplace inexorablement la langue française.

Tous les pseudos réformes que les fonctionnaires font subir à nos enfants nous mènent droit dans le mur. Réforme qui ennoblit la loi du moindre effort. Essayez de trouver des jeunes aujourd'hui qui s'amusent avec les mots de la langue française ... Les professeurs de mon époque avaient la passion de cette langue, cette passion est presque disparue; heureusement il reste quelques irréductibles. Évidemment je serai taxé d'idéaliste, et on continuera de s'apitoyer sur notre sort, c'est tellement plus facile.

Claude Laroche

Ce qui menace le français, c'est la qualité

Non seulement vous avez raison mais j'irai plus loin que vous. Le rapport de M. Curzi est tout simplement une escroquerie scientifique. Cet individu et tous les séparatistes continuent à vouloir nous faire croire que l'anglais menace le français au Québec et spécialement à Montréal. Si c'est vrai, alors le monde entier est menacé. Ils font semblant de ne pas voir que les États-Unis dominent le monde et qu'il est logique que la langue anglaise le fasse aussi. Il en a toujours été ainsi dans l'histoire de l'humanité. La langue française a eu aussi son heure de gloire, ce qui doit faire la fierté de M. Curzi. Ce qui menace le plus le français au Québec est le parler québécois qui se généralise malheureusement de plus en plus. Et il ne s'agit pas d'une question d'accent ! C'est hallucinant de voir cette haine de la langue anglaise chez certaines personnes. Je suis sûr que si le reste du Canada parlait allemand, par exemple, les séparatistes haïraient la langue allemande. La langue française, au cours de son histoire en Amérique du Nord, n'a jamais eu besoin de M. Curzi et de ses amis pour s'épanouir. Et pourtant ! Il va falloir qu'un jour, les séparatistes se questionnent sur les conséquences de leurs lois, telle la loi 101 qui a abouti, j'en suis certain à un résultat diamétralement opposé à celui obtenu, c'est-à dire que cela a rendu plutôt service aux anglophones qui sont devenus bilingues et désavantagé les francophones qui sont restés unilingues ou sans langue puisqu'on est arrivés à généraliser le parler québécois. Que les séparatistes arrêtent de suspendre leur épée de Damoclès sur les têtes anglophones et immigrantes en les accusant de refuser de parler le français et de ne pas pencher pour un Québec souverain. Il faudrait plutôt qu'ils se demandent pour quelles raisons les immigrants (au bout de quelques années) préfèrent se sentir Canadiens !

Pour ma part, j'encourage mes enfants à parler anglais à chaque fois qu'ils ont en l'occasion. Je n'ai rien à craindre, ils maitrisent la langue française, la vraie, l'unique.

Pour finir, je veux juste parler de la Suède que je connais bien : 8 millions d'habitants dont la majorité parle anglais, les films à la TV en version originale sous-titrée. Je rappelle que le suédois est parlé par seulement 8 millions de gens dans le monde. Et pourtant, jamais je n'ai entendu un seul Suédois dire que le suédois allait disparaitre. L'apprentissage de l'anglais est encouragé parce que le monde moderne le veut, l'exige tout simplement.

Ne nous laissons pas entrainer dans ce délire coutumier aux séparatistes.

P.S - Je rappelle que M. Curzi a été à l'origine d'une fatwa contre Paul Mc McCartney.

Carl Larouche

Vous êtes de mauvaise foi

Je viens de lire vos deux derniers articles sur l'anglicisation ou la non-anglicisation de Montréal selon vos dires... Il m'apparaît clair que vous êtes de mauvaise foi ! Tout d'abord, on peut comme vous le savez faire dire ce que l'on veut aux chiffres. Vous prenez vos donnez à partir de 1941 ce qui me semble encore une fois une façon de jouer avec les chiffres. Il est clair que Montréal a connu une grande vague de francisation dans les années 70-80 grâce à la loi 101 et au parti Québécois entre autres.

Donc, si j'avais une courbe statistique la courbe serait en faveur de français c'est normal... Et comme par hasard le français diminue à Montréal depuis le Référendum. Cause à effet ? Peut-être, mais impossible de l'affirmer.

Vous reprochez à M. Curzi de prendre les dix dernières années ce qui selon vous est trop cour pour y voir une tendance lourde. Justement, dans notre société actuelle, nous nous devons de réagir rapidement pour protéger notre langue. Ce n'est pas une question apocalyptique, mais simplement une question de gros bon sens. Ceci dit, j'ai vécu à Laval toute ma vie jusqu'au mois de décembre 2009, je peux vous dire, travaillant avec le public sur la route, que simplement à l'oreille, la langue anglaise à Laval a continué à progresser de façon presque exponentielle.

Depuis maintenant quatre mois donc, je vis à Québec. La situation ici est tellement différente, je n'ai entendu parler anglais qu'une seule fois jusqu'à maintenant dans la vie de tous les jours. Tout ça pour dire qu'à Montréal et les banlieues, la situation doit être mise sous surveillance.

Marc Germain

Soyons sérieux!

Il est impossible de vivre en français au Québec. Tout se passe en anglais à Montréal pour l'instant, est cette tendance s'étend graduellement vers la banlieue. Je suis arrivé de la Louisiane, il y a presque 30 ans, pour pouvoir vivre en français et pour que mes enfants soient instruits à l'école française. À l'époque, il était possible de vivre en français (malgré mon accent cajun) mais maintenant, je ne fais même plus d'effort. La bataille est perdue. J'ai déjà vécu l'assimilation une fois dans ma vie (en Louisiane) et je suis en mesure de la reconnaître.

J. Thévenot, Deux-Montagnes