À la suite de ma chronique «À quand le Lotto Fisc 462?», une cinquantaine de lecteurs ont pris d'assaut leur clavier pour dénoncer ma proposition d'imposer les gains de loterie, de jeu et de casino. Pourtant, selon les chiffres du ministère des Finances, une telle imposition rapporterait 462 millions de dollars par année.

Même si le gouvernement Charest est cassé comme un clou, pour bien des Québécois, il est donc hors de question d'assujettir les gains de loterie à l'impôt. Le message endiablé des lecteurs récalcitrants se résume comme suit: «Un impôt sur la loto, c'est idiot.»

Et dire que, pour moi, un impôt sur la loto, c'est un joyau.

Analysons les principaux arguments évoqués en faveur de la non-imposition des gains de loterie et de casino.

> Madame Michèle, acheteuse occasionnelle de loterie, quand il y a un très gros lot au 6/49 ou au loto MAX: «Oui, je suis de celles qui arrêteraient d'acheter si les gains étaient imposés. À quoi bon tenter sa chance et engloutir des dollars pendant des années si on ne peut pas garder tout le revenu de la loterie? À quoi bon gagner 1 million s'il ne m'en reste que 500 000$ à la fin?»

Que dire là-dessus? Personnellement, je prendrais le demi-million!

> Monsieur Roch: «Dans votre chronique, vous faites une comparaison entre l'impôt sur les gains boursiers et celui provenant des loteries et casinos. Pour être équitable, l'imposition des revenus de loteries devrait aussi être accompagnée de la possibilité de déduire les pertes sur les investissements. Pour les loteries et casinos, il n'y a que l'État et quelques personnes gagnantes. Il y aura par contre des millions de contribuables qui inscriront des pertes de revenu.»

Attention! Il est faux de croire que le gouvernement se retrouverait perdant avec une telle mesure. Voici pourquoi. En Bourse, on ne peut déduire nos pertes en capital qu'à l'encontre de gains en capital. Par extension, seuls les gagnants de loto pourraient déduire leurs pertes de loterie. Conséquemment, le gouvernement se retrouvera solidement en avance sur la masse des perdants.

> Monsieur François: «Votre article me laisse perplexe. Comment pouvoir justifier taxer des gains de Lotto? Cela équivaudrait à imposer deux fois le même argent. Il ne fait aucun sens de rendre imposable les gains du Lotto puisque l'argent qui a servi à l'acquisition du billet a déjà fait l'objet d'une ponction fiscale. Nous acceptons déjà de payer un impôt volontaire (les profits de Loto-Québec), alors il ne faut pas pousser l'enveloppe trop loin.»

À la vingtaine de lecteurs qui, à l'instar M. François, ont pris le temps de me souligner que les clients de Loto-Québec jouaient avec de l'argent après impôt, voici un petit rappel fiscal de circonstance. Sachez que tout ce que nous consommons, nous les particuliers, c'est avec de l'argent qui a déjà fait l'objet d'une ponction fiscale. On paie notre compte d'Hydro-Québec (tarifs, taxes et dividende-ristourne versé à Québec) avec de l'argent net.

Quand on fait le plein d'essence à Montréal, on paye avec notre salaire net de la TVQ sur la TPS, la taxe d'accise fédérale, la taxe provinciale et la taxe de transport. C'est de la grosse TVQ et bien des taxes!

> Monsieur Georges: «Je trouve votre idée tout à fait incongrue. Pour chaque dollar investi dans une loterie, il y a déjà 55% qui retourne au gouvernement. Je crois que c'est suffisant pour un jeu, car cela doit demeurer un jeu. Si vous y ajoutez un impôt de 50%, cela devient carrément du vol et non plus du jeu. Le retour aux joueurs serait de seulement 25%. Quand on sait que tous les jeux de Loto-Québec sont surtout achetés par des personnes à faible revenu, cela ne ferait que les taxer davantage. Cherchez d'autres idées plus intelligentes pour noircir du papier.»

> Madame Christine: «Pourquoi imposer un revenu qui provient de l'État? Le fait que le gouvernement donnerait d'une main pour mieux reprendre de l'autre est, pour moi, offensant comme idée.»

> Monsieur Bruno: «Je trouve vos arguments justifiant une nouvelle taxe sur les gains de loterie quelque peu simplistes. De prétendre tout bonnement que, si les Américains le font, nous devrions en faire de même... je compare cela à de la pure tautologie. Si Loto-Québec était une entreprise privée, je ne verrais aucun inconvénient à taxer les gains des joueurs. Mais Loto-Québec verse déjà 1,3 milliard de revenus au gouvernement. Si le gouvernement taxe également les lots que Loto-Québec donne... elle est où la morale?»

Ne perdons pas de vue qu'on parle ici de jeu et de gambling et que personne ne se fait tordre le bras pour y gaspiller son argent! Que les loteries et les casinos soient organisés et contrôlés par l'État au lieu de l'entreprise privée, je trouve cela plutôt rassurant. Je préfère voir ainsi la province en profiter plutôt qu'une poignée d'individus. Maintenant, comme il s'agit d'un jeu et de gambling, il y a toujours un gagnant pour des milliers de perdants. Alors, l'heureux gagnant, qu'il soit pauvre comme Job ou riche comme Crésus, s'il met la main sur le million... il est évident qu'il aura les moyens de payer de l'impôt! Payer de l'impôt sur des gains de loterie à partir de 500$ ou 1000$ ou un peu plus... il est où le drame national?

Mais, comme gouvernement, je n'en ferais pas un slogan du genre: «Qui gagne à la loto, paye de l'impôt!»

Ce ne serait pas très... winner!