Les Américains ont vraiment le sens du spectacle.

Même pour un événement aussi plat qu'un vote au Congrès, ils arrivent à créer un suspense et un spectacle télévisuel enlevant, comme on a pu le constater dimanche soir.

Il faut dire que ce n'était pas n'importe quel vote sur n'importe quel enjeu, mais bien un moment historique pour les États-Unis et un test crucial pour le président.

 

On peut débattre longtemps des mérites de la réforme de l'assurance santé de Barack Obama, mais on ne peut nier sa détermination à faire passer ce projet hautement risqué pour la suite de sa présidence.

Ce débat passionne les Américains depuis des mois. Pas seulement parce que ça fait un bon «show de TV», mais parce que cet enjeu touche tout le monde. Parce qu'il s'agit d'un vrai «projet de société», une expression qui ne veut plus rien dire ici.

Impossible, malheureusement, de ne pas comparer ce coup de force du président Obama au vide sidéral de nos débats politiques, de ce côté-ci de la frontière.

J'ai couvert plusieurs votes importants à la Chambre des communes et à l'Assemblée nationale dans les dernières années, mais, 9 fois sur 10, l'enjeu était de savoir si le gouvernement minoritaire survivrait et non pas d'adopter une profonde réforme.

Même la question de notre engagement en Afghanistan a été réglée entre chefs de parti à Ottawa avant d'être mise aux votes, dans le but d'éviter de faire des vagues politiques.

Idem pour les budgets, censés être les pièces maîtresses de nos gouvernements, expédiés en Chambre par quelques manoeuvres qui ont beaucoup plus à voir avec l'arithmétique qu'avec une quelconque vision politique.

L'un des moments les plus forts des dernières années sur la scène fédérale aura été l'adoption aux Communes de la motion reconnaissant la nation québécoise. Un sujet important, certes, mais on ne peut pas parler ici d'un projet visionnaire pour le pays.

Le dernier grand débat qui ait remué le Canada, c'est le libre-échange, il y a plus de 20 ans. Depuis, nous avons discuté, il est vrai, de mariage gai, de notre participation à des guerres ailleurs dans le monde, de Constitution aussi, mais pas de réforme fondamentale ayant de profondes répercussions sur notre vie.

Quel est le dernier leader politique, ici, à avoir mis sa tête sur le billot pour défendre un projet qui lui tient plus à coeur que sa réélection?

Difficile de ne pas comparer le climat des derniers jours à Washington avec le vide, la nonchalance, le manque de conviction et d'idées et (oui, monsieur le maire) l'immobilisme qui caractérisent nos gouvernements.

Difficile de ne pas sourire (ou rager, c'est selon) lorsque l'on compare la détermination d'un Obama à changer l'ordre des choses à la pensée magique de nos politiciens.

La fin de semaine dernière, par exemple, Jean Charest nous a dit que «le système (de santé) va mieux» et que le gouvernement du Québec «bouge» alors que les autres sont à «pause».

Bien peu de Québécois partageront l'analyse de leur premier ministre quant aux performances du réseau de santé, et bien des libéraux trouvent de plus en plus inquiétante l'inaction chronique du gouvernement en ce début de troisième mandat.

Ça ne bouge pas beaucoup plus à Ottawa, où conservateurs et bloquistes ergotent depuis deux jours sur la véritable signification du mot «résistance» employé par Gilles Duceppe devant ses militants en fin de semaine. Navrant spectacle.

C'est anecdotique, direz-vous. Peut-être, mais trouvez-moi le dernier projet structurant et novateur sorti du gouvernement Harper. Ou de l'esprit de Michael Ignatieff.

Depuis quelques années, à Ottawa, gouvernements minoritaires obligent, ce n'est que stratégies électorales, sondages, manoeuvres pour sauver le gouvernement sans perdre la face.

Les gouvernements minoritaires y sont évidemment pour beaucoup, mais pas autant que le manque d'élévation des politiciens.

Que MM. Charest et Harper se consolent, toutefois: la sclérose politique est encore pire à Montréal, quoi qu'en dise Gérald Tremblay, le maire qui n'écoute plus les critiques de ses concitoyens.

Dans un exposé surréaliste, vendredi dernier, le maire a affirmé que l'immobilisme n'existe pas à Montréal. S'il ne se passe rien, c'est à cause des critiques incessantes qui bloquent les projets. Donc, M. le maire a décidé de ne plus écouter les critiques! «La consultation, c'est important, mais on a une obligation d'agir», a-t-il dit.

Agir. Précisément, monsieur Tremblay, c'est ce que l'on attend de vous. Depuis huit ans.

Puisse l'exemple de Barack Obama inspirer un peu nos très amorphes politiciens.