Cette semaine, deux femmes ont rué dans les brancards et dénoncé le sort que notre société réserve aux femmes vieillissantes. Dans son livre Les femmes vintage, la sexologue Jocelyne Robert dénonce la mise au rancart des femmes au-delà de la cinquantaine. À l'émission Les Francs-tireurs, l'animatrice Suzanne Lévesque a rappelé à quel point il est difficile de vieillir sous l'oeil implacable des caméras de télévision.

On pourrait classer ces deux cris du coeur dans la catégorie «baby-boomers-qui-n'acceptent-pas-de-se-faire-indiquer-la-sortie», mais les propos de ces deux femmes touchent à quelque chose de plus profond.

C'est un fait reconnu: on accepte très mal qu'une femme vieillisse, en particulier dans les médias, où la moindre ride, le moindre relâchement de la peau est perçu comme quelque chose d'indécent.

C'est un cliché de le dire, mais à la télévision, les hommes ont droit d'avoir un ventre, un crâne dégarni, des rides et des cernes. Pas les femmes. Qu'on pense aux magnifiques Michèle Viroly et Madeleine Poulin et, avant elles, à Louise Arcand, toutes trois remerciées lorsqu'elles ont atteint un certain âge. Dans un tel contexte, et à une époque où la mort et la vieillesse sont carrément taboues, les propos de Mmes Lévesque et Robert sont rien de moins que subversifs.

Plusieurs raisons expliquent cette réaction de rejet face à la vieillesse des femmes. La première relève d'un atavisme, d'un conditionnement millénaire enfoui au plus profond de l'humain: la femme qui n'est plus en âge de procréer perd de sa valeur.

Ensuite, il y a le jeunisme qui fait rage depuis quelques décennies, d'où la montée en flèche de l'industrie de l'esthétique et la multiplication des sexagénaires au visage tendu et à l'expression figée. Nelly Arcan appelait ça les burqas de chair...

Comme l'observe Jocelyne Robert, les femmes sont doublement perdantes dans ce contexte: on les juge si elles ont recours à la chirurgie esthétique, on les critique lorsqu'elles commencent à montrer des signes de vieillissement. Et le pire, c'est que ces commentaires désobligeants proviennent souvent d'autres femmes. Pourquoi? Est-ce la haine de nous-mêmes que nous projetons? La peur de nous voir vieillir? Avons-nous, comme le disent certaines féministes radicales, intériorisé un certain discours sur la beauté?

Les propos de Suzanne Lévesque et le livre de Jocelyne Robert arrivent à un moment où s'exprime, bien timidement, l'ombre d'un début de ras-le-bol pour tout ce qui ressemble, de près ou de loin, à un modèle féminin inatteignable. Les femmes commencent à en avoir assez des modèles trop minces, trop lisses, trop parfaits. Mais que faire pour que les choses changent? Après la Charte de la diversité corporelle, une charte pour faire la promotion du visage qui trahit les années? C'est ridicule, évidemment. Mais alors, comment encourager la diversité? Oser montrer son visage marqué par le temps? Promettre de ne plus critiquer lorsqu'on voit un visage défraîchi? Accepter que la beauté n'est pas nécessairement synonyme de jeunesse?

Le combat est loin d'être gagné.