Dans la foulée de la récolte record de 14 médailles d'or lors des Jeux olympiques de Vancouver, le gouvernement Harper a réaffirmé son appui au sport de haut niveau en accroissant son financement au programme À nous le podium. La question à 60 millions de dollars est maintenant de savoir qui, désormais, tiendra les cordons de la bourse et décidera comment les fonds seront répartis entre les différents sports d'été et d'hiver.

Le président du Comité olympique canadien, Marcel Aubut, ne cache pas qu'il souhaite qu'À nous le podium, une entité indépendante depuis sa création au milieu des années 2000, soit dorénavant intégré à l'organisation qu'il dirige.

Les grands projets de l'avocat québécois sont toutefois loin de faire l'unanimité au sein de la communauté sportive canadienne. Et ils ont pris du plomb dans l'aile avec la publication, la semaine dernière, du rapport d'un panel chargé par le ministre des Sports, Gary Lunn, de faire des recommandations sur l'avenir du sport de haute performance au pays.

Achevé de rédiger en décembre, le rapport du Panel 2010 et au-delà, dont faisait notamment partie la multi-médaillée paralympique Chantal Petitclerc, est le fruit d'une vaste consultation aux quatre coins du pays.

Le panel rejette expressément le projet du COC. Il préconise plutôt la création d'une agence nationale du sport de haut niveau indépendante de toute influence extérieure. Cette agence regrouperait à la fois À nous le podium et tous les programmes de financement qui relèvent présentement de Sport Canada, notamment l'aide directe aux athlètes et le soutien aux fédérations sportives.

«Le panel a conclu que le modèle proposé par le COC ne respecte pas, présentement, les critères d'indépendance et de responsabilité publique qui seront nécessaires pour une organisation qui reçoit un tel niveau de financement du gouvernement», peut-on lire dans le rapport.

La recommandation a réjoui le directeur général sortant d'À nous le podium, Roger Jackson. «Il y a près de 60 millions sur la table (22 millions pour les sports d'hiver et 36 millions pour les sports d'été). Le gouvernement ne peut confier cet argent à une organisation comme le COC, qui est une confédération d'organisations sportives d'hiver et d'été, et lui demander de le distribuer judicieusement et de manière indépendante entre ses membres. C'est impossible. Le risque d'influence politique et de pressions est trop grand.»

J'ai tendance à être d'accord avec M.Jackson. Les dirigeants du programme À nous le podium doivent prendre des décisions difficiles, priorisant certains sports (le ski alpin, la natation) aux dépens des autres (le saut à ski ou le handball, par exemple) en fonction des chances de succès des athlètes canadiens sur la scène internationale.

Cela suppose de faire des choix impopulaires, d'ailleurs appelés à se multiplier. Dans son récent budget, le gouvernement fédéral a comblé une partie du manque à gagner qui guette À nous le podium avec la dissolution prochaine du comité organisateur des Jeux de Vancouver, qui fournissait la moitié de son financement. Mais l'enveloppe d'ANP consacrée aux sports d'hiver passera quand même de 27 à 22 millions cette année. Des coupes douloureuses sont à prévoir, qui devront être administrées en toute objectivité.

Je n'ai aucune raison de douter de la bonne foi de Marcel Aubut et des autres dirigeants du COC. Mais le fait est qu'ils ont été élus sur la foi des promesses qu'ils ont faites à divers groupes d'influence: les sports d'hiver versus ceux d'été, les sports individuels versus ceux d'équipe, les sports olympiques versus les disciplines paralympiques, etc. Le risque de conflit d'intérêts, ou du moins d'apparence de conflit d'intérêts, dans la distribution du financement serait accru si À nous le podium était intégré au COC.

Il faudra maintenant voir si le gouvernement donnera suite ou non aux recommandations du panel. La suggestion de confier à la nouvelle agence non gouvernementale - mais redevable au Parlement - des mandats jusqu'ici confiés à l'appareil fédéral, comme l'attribution des brevets d'athlètes, supposerait non seulement le transfert vers le nouvel organisme d'un budget de 125 millions de dollars, mais aussi de fonctionnaires de Sport Canada. Pas sûr que ça se fera en criant ciseau.

Reste que l'occasion est belle de bâtir sur le succès des Jeux de Vancouver. Pour continuer à s'illustrer sur la scène sportive internationale, le Canada a besoin d'une institution vouée au sport de haut niveau. Le rapport du Panel 2010 et au-delà présente un plan concret et réalisable pour y parvenir.

Photo: PC

Le président du Comité olympique canadien, Marcel Aubut, souhaite que le programme d'À nous le podium, entité indépendante depuis sa création au milieu des années 2000, soit dorénavant intégré à l'organisation qu'il dirige.