Je suis assez inquiet. Les signaux en provenance de Québec qui se multiplient depuis quelques semaines semblent indiquer que le budget que présentera bientôt le ministre Raymond Bachand ne sera pas le budget-canon dont le Québec avait besoin. La montagne libérale accoucherait plutôt d'une souris.

Il est imprudent de porter un jugement sur un budget que l'on n'a pas vu. J'espère donc me tromper. Mais l'expérience montre que si les fuites sont parfois des ballons politiques pour tester des idées sans lendemain, elles sont le plus souvent des messages pour préparer l'opinion publique. Ces messages n'ont rien de rassurant.

Voici les défis de ce prochain budget. La récession a provoqué un énorme trou dans les finances publiques québécoises. Si rien n'est fait, le déficit atteindra 11,3 milliards en 2013-2014. Le gouvernement veut l'éliminer d'ici là. Le budget de l'an dernier prévoyait déjà quelques mesures en ce sens: hausse de 1% de la TVQ, le passage de 4,6 à 3,2% de la croissance annuelle des dépenses publiques.

Mais il restait pas mal d'argent à trouver, une somme de 5,6 milliards, que le gouvernement veut surtout aller chercher du côté des revenus. On pensait à des tarifs, peut-être à l'augmentation de l'électricité, des avenues mal reçues des citoyens qui préfèrent des compressions de dépenses.

Quatre économistes mandatés par le ministre des Finances ont fait des propositions plus ambitieuses. Ils estimaient que le gouvernement pourrait faire plus avec moins, notamment dans les grands réseaux de la santé et de l'éducation. Ils recommandaient aussi de ramener à 2,5% la croissance des dépenses pour que les compressions contribuent autant à la réduction du déficit que les hausses de revenu.

Que fera le gouvernement? Le premier message est venu de la présidente du Conseil du Trésor, Monique Gagnon-Tremblay. C'est elle qui est responsable du contrôle des dépenses. Elle a rejeté du revers de la main la suggestion des économistes, affirmant que les cibles du gouvernement étaient déjà ambitieuses. Et elle a ajouté qu'elle n'avait aucune idée de ce que voulait dire son collègue Raymond Bachand quand il parlait de «révolution culturelle».

Le deuxième message, une révélation de mon collègue Denis Lessard, c'était que le gouvernement n'avait pas l'intention de toucher aux tarifs d'électricité. Le gel des prix du bloc d'électricité dit patrimonial est une aberration. Une hausse de 1 % rapporterait 1,8 milliard. Mais elle serait très impopulaire. En outre, une partie du gain serait effacée par une baisse des transferts fédéraux parce que les dividendes énergétiques entrent dans le calcul de la péréquation: la logique de la dépendance.

Troisième message, Québec songerait plutôt à une deuxième hausse de la TVQ. La TVQ n'est pas une mauvaise taxe. Mais la lutte au déficit semble vouloir passer par des hausses de taxes faciles, plutôt que par un effort pour s'attaquer de front aux problèmes qui ont plongé les finances publiques dans l'impasse.

Ce qui transpire de tous ces signaux, c'est d'abord une volonté de faire le moins de vagues possibles. Mais c'est aussi l'absence de cohésion qui laisse craindre que le ministre Raymond Bachand n'a pas les coudées franches dont il a besoin. L'expérience montre pourtant que la seule façon de résoudre une crise des finances publiques, c'est que le ministre des Finances puisse compter sur l'appui indéfectible de son premier ministre.

Le Québec est dans une situation délicate, l'un des États les plus endettés du monde industrialisé. Il y a urgence. Et actuellement, le gouvernement Charest est dans une situation où il peut agir, parce qu'il est en début de mandat, et que la récession a rendu l'opinion publique réceptive. Il ne peut pas se payer le luxe de rater le bateau.