Le 1er avril 2009, le conseil d'administration de Cascades a octroyé à ses hauts dirigeants deux millions d'options, soit presque autant que le nombre cumulatif d'options octroyées au cours des cinq années précédentes, soit de 2004 à 2008. Au grand dam des actionnaires, ce n'était pas un poisson d'avril.

L'action de Cascades (CAS) se négocie actuellement autour de 8,30$. Émises au prix de levée (d'exercice) de seulement 2,28$, c'est donc dire que ces deux millions d'options valent aujourd'hui 6,00$ de plus. On parle d'un profit sur papier de 12 millions de dollars, et ce, en moins d'un an.

Qu'avaient-ils fait d'extraordinaire, les dirigeants de l'entreprise, pour mériter en avril dernier un si grand nombre d'options, et ce, au détriment des actionnaires, qui subissent un effet de dilution?

Le seul «mérite» des dirigeants de Cascades, c'est de bénéficier d'une politique de rémunération qui gratifie la contre-performance boursière! En effet, le nombre d'options octroyées est notamment déterminé en fonction du prix de l'action sur le marché et du salaire du dirigeant. Résultat: moins le prix de l'action est élevé, plus grand sera le nombre d'options octroyées.

Ainsi, le 1er avril 2009, les hauts dirigeants de Cascades ont eu l'extraordinaire chance de se faire octroyer des blocs d'options alors que le titre de Cascades tirait le diable par la queue en raison de la difficile année 2008. Cascades a bouclé l'exercice financier de 2008 avec une perte nette 56 cents par action, comparativement à un bénéfice net de 95 cents par action en 2007.

C'est donc le monde à l'envers chez Cascades. Il suffit de pousser à l'extrême l'illogisme de cette politique de gratification par options pour s'en rendre compte. Imaginez-vous si l'action de Cascades était tombée à 1,00$? Les dirigeants auraient reçu non pas deux mais quatre millions d'options...

Quoi qu'il en soit, voici l'explication que le directeur des relations avec les investisseurs de Cascades, Didier Filion, a transmise à La Presse Affaires pour justifier l'octroi des deux millions d'options du 1er avril dernier:

«Quant à la question du nombre d'options octroyées en 2009 (2 millions), celui-ci est le résultat de la formule de rémunération en options qui est en fait un multiple du salaire annuel de base. Par exemple, selon son évaluation, un dirigeant pourrait obtenir 1,25 fois son salaire de base en valeur d'options. Donc, si un dirigeant a un salaire de base de 200 000$ et qu'il obtient 1,25 fois son salaire en options à 2,28$ (prix de levée), cela voudrait dire qu'il recevra 109 649 options (200 000$ X 1,25/2,28$).»

«Autrement dit, si l'évaluation du bénéficiaire d'options demeure la même et si le multiple du salaire de base demeure constant, le nombre d'options attribuées sera plus important si le cours du titre est bas en date du 1er avril de chaque année. Par contre, à l'inverse, si le cours du titre est plus élevé, comme cette année, le nombre d'options attribuées devrait être plus petit (malgré un bénéfice net).»

Et les facteurs qui sont pris en compte pour déterminer «le multiple du salaire de base» sont les suivants: la compétence de gestion, les efforts, la performance et la loyauté démontrée.

Par ailleurs, les heureux dirigeants de Cascades (une quinzaine) ne se sont pas pressés aux portes de l'Autorité des marchés financiers (AMF) pour divulguer les deux millions d'options que le conseil d'administration leur a attribuées le 1er avril 2009.

Les premiers initiés à déposer leurs déclarations d'attribution d'options l'ont fait le 7 juillet dernier. Les autres ont suivi au fil des semaines et mois suivants. Le dernier de la liste des bénéficiaires d'options a attendu pour sa part au 11 mars 2010... pour déposer sa déclaration.

Selon l'AMF, les initiés doivent déposer leurs déclarations dans un délai de 10 jours après l'attribution des options.

Un actionnaire de Cascades a trouvé les dirigeants de l'entreprise tellement lambins qu'il se demandait si l'entreprise n'avait pas «antidaté» les deux millions d'options au 1er avril 2009, question de profiter de la faiblesse du titre à cette époque.

Pourquoi les initiés de Cascades ont-ils attendu de longs mois pour commencer à divulguer l'obtention desdits options? Réponse du porte-parole Didier Filion: «La divulgation se fait seulement après la remise des options aux dirigeants. Et cette remise est effectuée après leur évaluation annuelle avec le président qui, dans certains cas, a été seulement complétée un peu plus tard en 2009.»

«C'est donc une question administrative qui fait en sorte que la date de divulgation desdites options peut être plus tard que la date d'attribution.»

De 4 à 11 mois de délai... quelle méchante question administrative!