Il y a deux ans, Jacques Villeneuve, mononcle Jacques, a été grièvement blessé lors d'une course de motoneige. J'ai vu l'accident à la télé et j'ai immédiatement pensé à une fin de carrière. Et à une fin de vie en fauteuil roulant. La motoneige a foncé directement sur lui alors qu'il était sans protection. On lui avait inséré deux tiges de métal dans les jambes.

Mononcle Jacques a de nouveau été blessé, au dos, dans une course à Valcourt le 14 février dernier. Il a refusé de se rendre à l'hôpital - on l'a finalement forcé à le faire - et il a promis d'être remis à temps pour la course de Roberval, les 13 et 14 mars prochains. Une des organisatrices de l'événement m'a écrit la semaine dernière pour me dire qu'il ne fallait pas compter là-dessus, vu la violence de la collision à Valcourt.

Nous avons reçu un communiqué hier nous disant que Jacques Villeneuve allait précéder son retour à Roberval en participant à une course en Ontario ce week-end.

Mononcle Jacques est un roc.

Jan Baalsrud

Ce qui nous amène à une chronique de David Brooks, le célèbre journaliste du New York Times. Mardi dernier, il se demandait comment la Norvège, une nation de 4,7 millions d'habitants, pouvait remporter neuf médailles d'or aux Jeux olympiques d'hiver, alors que les États-Unis, avec leurs 300 millions d'habitants, en avaient gagné le même nombre.

Brooks pense avoir trouvé une partie de la réponse dans le livre We Die Alone, de David Howarth, qui raconte, entre autres, l'histoire du Norvégien Jan Baalsrud.

Voici donc la théorie de Howarth, rapportée par Brooks et cité de nouveau par La Presse.

«En 1943, les forces alliées ont demandé à Jan Baalsrud de regagner son pays natal pour se joindre à la résistance antinazie. Mais la mission a été trahie et tous les membres du groupe ont été tués, sauf Baalsrud, qui a réussi à s'enfuir, sous les balles des Allemands, en nageant dans les eaux glacées jusqu'à une île au large de la côte norvégienne.

«Les soldats allemands l'ont poursuivi alors qu'il escaladait une montagne et il a dû tuer un officier.

«En fuyant, Baalsrud a perdu une botte et un bas dans la neige. Un de ses gros orteils avait été arraché par une balle. Baalsrud a réussi à nager d'île en île jusqu'à ce que deux jeunes Norvégiennes le trouvent, épuisé, sur une plage. Elles l'ont amené chez leurs parents qui l'ont caché, soigné et nourri.

«De là, Baalsrud a été pris en charge par des dizaines de compatriotes résistants qui se sont relayés pour l'amener à la frontière suédoise, où il serait en sécurité. Il a marché pendant des séquences d'une vingtaine d'heures sans s'arrêter.

«Un monsieur de 72 ans l'a ramené en barque sur le continent et lui a remis des skis. Mais Baalsrud a provoqué une avalanche, a fait une chute de 300 pieds et subi une commotion cérébrale. Seule sa tête dépassait. Il a perdu momentanément la vue et ses esprits.

«Après avoir erré dans la neige, sujet à des hallucinations, Baalsrud a trouvé un chalet. Un certain Marius Gronvold l'a soigné et caché dans une cabane, où Baalsrud est demeuré seul pendant une semaine à cause d'une tempête. Il perçait des trous dans sa jambe gangrenée pour éliminer le pus et le sang.

«Marius Gronvold a ensuite construit un traîneau pour porter le blessé plus loin. Les deux hommes devaient rejoindre un autre groupe de résistants, mais une tempête de neige a saboté l'opération.

«Gronvold a creusé un trou dans la glace pour cacher Baalsrud et le tenir au chaud. Le bienfaiteur est revenu une semaine plus tard pour trouver Baalsrud toujours dans son trou, à peine vivant. Il a passé les 20 jours suivants dans un sac de couchage avec des vivres. Baalsrud a tranché au poignard ses orteils pour sauver un pied gelé.»

Il a aussi tenté de se suicider pour épargner la vie de ses complices.

«Baalsrud a finalement été retrouvé par un groupe de Lapons et leurs rennes. Ils l'ont ramené jusqu'à la frontière suédoise, poursuivis par les Allemands.

«Jan Baalsrud était amoché, mais vivant et en liberté.»

David Brooks conclut qu'avec une telle mixture d'altruisme, de courage et de résistance à l'hiver, une petite nation de 4,7 millions d'habitants pouvait remporter autant de médailles d'or que les États-Unis.