Notre pays laisse encore couler de l'encre sur les pages de son histoire...

Visiblement, les rédacteurs conservateurs qui ont pondu le discours du Trône lu hier à Ottawa sont encore sous le choc des émotions ressenties lors des Jeux olympiques de Vancouver !

C'est par ces mots hautement poétiques que Stephen Harper a voulu souligner les performances de nos athlètes (et annoncer que le gouvernement continuera de financer les athlètes).

L'encre, de toute évidence, ne coule pas que sur les pages de notre histoire ; il s'en est répandu beaucoup aussi pour cet interminable discours du Trône.

Beaucoup de mots, mais bien peu de substance.

Pour ceux qui se demandaient si le gouvernement fédéral surferait sur les JO de Vancouver, Stephen Harper a clairement annoncé ses couleurs, reprenant le bleu et le vert caractéristiques de cet événement.

Par contre, si vous attendiez les esquisses du plan de lutte contre le déficit promis par le gouvernement dans ce discours, vous serez déçu. On devrait (du moins, espérons-le) en savoir plus long dans le budget cet après-midi mais, pour ce qui est du discours du Trône, nous nageons en pleine pensée magique.

On trouvera apparemment 56 milliards (déficit de l'année courante) dans les prochaines années par la fin (prévue de toute façon) des programmes ponctuels de stimulation économique et, deuxième étape, par la réduction des dépenses et la révision des programmes, nous dit le premier ministre.

La révision des programmes, ça fait des années qu'on en parle, à Ottawa. Cela avait même été amorcé sous Brian Mulroney, puis repris par les libéraux de Jean Chrétien. Mais pour résorber le déficit, il a fallu, dans les années 90, réduire les transferts aux provinces.

Pour le moment, le gouvernement annonce, geste hautement symbolique, qu'il gèlera le salaire de tous les élus et des sénateurs de même que les budgets des cabinets.

Ce discours du Trône, très attendu en raison de la prorogation intempestive du mois de décembre, contient aussi tous les ingrédients pour pimenter encore un peu les relations entre Québec et Ottawa.

À commencer par la volonté réitérée d'Ottawa de créer un nouvel organisme canadien de réglementation des valeurs mobilières, ce qui hérisse tous les partis de l'Assemblée nationale.

M. Harper persiste et signe dans l'abolition du registre des armes à feu, «cet instrument onéreux et inefficace qui a une incidence non pas sur les criminels, mais sur les agriculteurs et les chasseurs respectueux des lois».

En matière d'environnement, Stephen Harper part en guerre contre la bureaucratie tatillonne qui bloque les projets, ce qui sera assurément perçu comme un feu vert à l'exploitation des sables bitumineux de l'Alberta.

«Afin de soutenir une mise en valeur responsable des ressources énergétiques et minérales du Canada, notre gouvernement démêlera le dédale de règlements qui complique inutilement l'approbation des projets, pour le remplacer par des processus plus simples et plus clairs qui offrent une protection environnementale améliorée et une plus grande certitude à l'industrie», lit-on dans le document.

Le gouvernement Harper promet par ailleurs l'aventure nucléaire aux Canadiens.

Autre sujet d'irritation majeur pour Québec : Stephen Harper rappelle sa promesse d'augmenter le nombre de circonscriptions en Ontario et en Colombie-Britannique (ce qui diminuerait nécessairement le poids du Québec au Parlement fédéral).

Ce discours du Trône, par ailleurs, n'aura pas rempli sa promesse de remettre le gouvernement sur les rails, comme l'avaient promis les conservateurs en fermant le Parlement. Au contraire, on tire dans toutes les directions et on se prend les pieds dans quelques contradictions.

Par exemple, M. Harper veut un appareil gouvernemental plus efficace, moins lourd, moins cher, mais il trouvera le temps de créer un «prix du premier ministre pour le bénévolat». Méchante priorité.

Idem pour «l'institution dans la loi d'une journée des aînés». (Je n'ai rien contre les aînés, au contraire, mais n'y a-t-il pas plus urgent à faire pour eux que d'inscrire une nouvelle journée au calendrier ?)

Stephen Harper rêve aussi d'un monument aux victimes du communisme et il engage son gouvernement à travailler «de concert avec des organismes non gouvernementaux dans le but de lancer une stratégie nationale pour la prévention des blessures chez les jeunes». Pourquoi pas un ministre des Band-Aid, un coup parti ?

Pour un leader politique qui accusait jadis les libéraux d'être d'affreux dépensiers sans priorités bien définies, M. Harper semble lui aussi s'éparpiller un peu.

C'est toutefois autre chose qui a retenu l'attention de mes collègues anglophones, hier, sur la colline. Une chose FONDAMENTALE : la modification du texte de l'Ô Canada, jugé sexiste à cause de l'utilisation du terme sons («fils», qui serait remplacé par us, dans la phrase True patriot love in all thy sons command). Ce projet passionne Ottawa.

Remarquez, personne n'a relevé que la version anglaise dit aussi : God keep our land glorious and free!