Le Canadien de Montréal n'a pas le monopole des gérants d'estrade. La Caisse de dépôt et placement du Québec peut elle aussi compter sur ces experts de la tribune publique pour lui indiquer comment il aurait fallu gérer son immense portefeuille.

En résumé, voici ce que l'équipe de Michael Sabia aurait dû faire en 2009 pour pouvoir obtenir une bien meilleure performance que son «petit» 10% de rendement.

Un, il fallait investir le maximum possible d'argent en Bourse... puisque, comme on le voit aujourd'hui, chiffres à l'appui, la Bourse a fortement monté en 2009!

Deux, il fallait réduire considérablement le portefeuille des «Dettes immobilières» et celui des «Immeubles» puisque, comme on le voit aujourd'hui, ils ont fortement reculé en 2009!

Trois, au lieu d'investir seulement 557 millions dans les obligations à rendement réel, il fallait y investir au moins une dizaine de milliards de dollars puisque, comme on le voit aujourd'hui, le rendement du portefeuille d'obligations à rendement réel a grimpé de 17% en 2009 comparativement à seulement 6,4% pour le gros portefeuille d'obligations de la Caisse!

Juste avec ces trois mesures proposées par les gérants d'estrade de la Caisse à la suite de la divulgation de ses résultats 2009, l'équipe de Michael Sabia aurait pu battre facilement le rendement de l'indice de référence des grosses caisses de retraite, soit 15,5%. Et ainsi nous enrichir le portefeuille, non pas seulement de 11,8 milliards, mais d'au moins 18,2 milliards, soit 6,4 milliards de plus.

Voilà de quelle façon il fallait gérer en 2009 ce satané portefeuille de la Caisse!

Et les détracteurs de Michael Sabia ne se sont pas gênés pour lui faire savoir à quel point ils étaient déçus de sa performance du «petit» 10%.

La chef péquiste, Pauline Marois, reproche à Michael Sabia d'avoir créé pour la Caisse «un manque à gagner» de 5 milliards de dollars. «Il n'est pas un gestionnaire de risque, dit-elle. Il a éliminé le risque plutôt que de le gérer. C'était catastrophique. C'est maintenant très mauvais.»

Mais ouf! Mme Marois n'a pas osé réclamer la tête de M. Sabia. Du moins pour l'instant...

Le chef de l'Action démocratique, Gérard Deltell, s'est également montré fort déçu de voir la Caisse en queue de peloton pour la deuxième année de suite. «On se compare encore une fois aux moins bons.»

L'Association québécoise des retraités des secteurs public et parapublic (AQRP) est pour sa part tellement déçue qu'elle menace de réclamer le transfert des fonds des retraités à un autre gestionnaire de portefeuille que la Caisse.

Pour ma part, je préfère et de loin, la réaction nettement plus positive du porte-parole de Québec solidaire, Amir Khadir. Il a déclaré au Devoir que le rendement de 10% lui semblait appréciable, compte tenu de l'objectif d'obtenir un rendement de 7% pour assurer le financement des régimes de retraite et d'assurances.

Je nous trouve intransigeant envers Michael Sabia et son équipe renouvelée de gestionnaires de portefeuilles. Il est arrivé en poste en mars 2009. Compte tenu de la désastreuse performance de 2008 (-25%), et de la fabuleuse crise financière qui sévissait au début de l'année 2009, il m'apparaît hautement rassurant de voir M. Sabia prendre le temps nécessaire pour faire le grand ménage dans la plus importante caisse de retraite et de placement de tout le Canada.

Est-il nécessaire de rappeler que le Québec inc. au complet raillait la contre-performance de la Caisse en ce début de 2009. Politiciens, chefs syndicaux, éditorialistes, analystes et commentateurs de toutes les tribunes dénonçaient à tour de bras cette fabuleuse perte de 40 milliards de dollars subie par la Caisse en 2008.

Il est donc tout à fait normal que la nouvelle équipe de Michael Sabia n'ait pu, en 2009, gérer de façon optimale son gigantesque portefeuille. On ne peut pas demander à une équipe de gestion de portefeuilles d'obtenir en l'espace d'à peine six mois le même rendement que l'on s'attend des équipes en place à longueur d'année.

Un portefeuille de 120 milliards de dollars, comme c'était le cas en début d'année 2009, ça ne se revire pas sur un 10 cents en l'espace de quelques mois! Concernant la position de la Caisse dans le secteur immobilier, j'aimerais ici rappeler à tous les détracteurs que les portefeuilles «Dettes immobilières» et «Immeubles» figuraient à la fin de 2008 parmi les plus enrichissants portefeuilles individuels de la Caisse au cours des périodes de cinq et dix ans.

Ayons un peu d'empathie envers Michael Sabia. On le jugera au sortir de l'année 2010, l'an 1 de son véritable règne!