Lorsqu'un nouveau président de la Caisse de dépôt et placement du Québec présente ses premiers résultats financiers, il tient toujours à marquer une rupture avec le passé.

Michael Sabia n'a pas fait exception, hier. Comme un restaurateur qui rouvre les portes d'un bistro après des rénos, il aurait pu afficher l'enseigne «nouvelle administration».

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Après une séance d'information à huis clos dans la salle habituelle, les journalistes ont été conduits dans la grande verrière du quartier général de la Caisse pour rencontrer la haute direction. Du haut des balustrades, des dizaines de professionnels se sont massés pour ne pas perdre un mot de la conférence, une première.

Même si la Caisse a changé de décor pour sa présentation, il y a des choses qui restent les mêmes. Blâmer discrètement ses prédécesseurs quand les résultats sont décevants en est une. Affirmer que l'on va se recentrer sur son métier et ses compétences en est un autre. (Cela tient jusqu'à la prochaine mode en investissement!)

À première vue, un rendement annuel de 10% paraît bien. Surtout lorsqu'on le compare à la chute calamiteuse de 25% de 2008. Mais on ne juge pas un gestionnaire de fonds par rapport à l'année précédente. On l'évalue en comparant ses rendements aux indices de référence des différentes catégories d'investissements. Et en comparant son travail à celui de ses pairs.

Or, dans les deux cas, la Caisse fait encore pitié.

Le rendement global de la Caisse accuse un retard de 410 points centésimaux par rapport à celui des indices de référence (14,1% en 2009). Comparé aux grandes caisses de retraite du pays, qui ont enregistré un rendement médian de 15,48% en 2009, selon RBC Dexia, l'écart est encore plus prononcé, soit de 544 points.

Ainsi, la Caisse figure encore dans les derniers de classe, soit au quatrième quartile pour la deuxième année de suite.

La nouvelle administration de la Caisse, qui a fait preuve d'une grande transparence ces derniers mois, ne s'en est d'ailleurs pas vantée. Elle a omis ce renseignement, qui figure généralement à la première page de ses résultats.

Qu'est-ce qui explique que la Caisse ait moins bien fait que les marchés? La moitié de cette contre-performance s'explique par son aventure désastreuse dans les prêts immobiliers à haut risque et les investissements dans des titres de dette opaques. Lorsque le marché de l'immobilier s'est écrasé aux États-Unis, la Caisse s'est fait prendre les culottes baissées. L'écart de rendement s'élève à - 28,8%!

Personne n'a nommé l'ancien président Henri-Paul Rousseau ou son bras droit Fernand Perreault. Mais il a suffi qu'un dirigeant remarque que ces investissements ont été consentis en 2004, en 2005, en 2006 et en 2007 pour que l'on sache exactement qui était visé.

Seule consolation pour la bande d'Henri-Paul Rousseau: la perte sur papier associée au papier commercial adossé à des actifs (PCAA) a chuté de 5,6 à 5,1 milliards de dollars. Les résultats financiers de 2009 reçoivent ainsi un coup de pouce de 479 millions de dollars.

Michael Sabia aurait-il pu faire mieux compte tenu des cartes dont il a hérité à son arrivée à la Caisse? On ne le saura évidemment jamais.

L'ancien dirigeant de BCE a vanté son équipe, qui aurait eu le courage d'investir 2,5 milliards de dollars en avril, au creux de la dérobade boursière. Au total, la Caisse a ajouté 9,6 milliards de dollars en actions l'année dernière. Mais ces investissements sont survenus trop tard. «La Caisse n'a pas pu profiter pleinement du regain des marchés boursiers», a reconnu Michael Sabia.

La Caisse a bien mal parti l'année 2009. Fin 2008, la Caisse n'avait plus que 22% de son actif en actions, comparativement à 36% en début d'année. Un bien mauvais calcul, en rétrospective, pour une institution dont Michael Sabia a pourtant vanté hier l'expertise en répartition d'actif!

Mais à l'automne 2008, la Caisse n'avait guère le choix, selon ce que le président de la Caisse a révélé hier.

En octobre et en novembre, alors que ses liquidités étaient immobilisées dans du PCAA qui ne s'échangeait plus et que des appels de marge épuisaient ses réserves, la Caisse a dû se résigner à vendre des actions. «À l'époque, la Caisse a eu un défi de liquidités. (Nous n'en avons) pas manqué, mais il y avait beaucoup de pressions», a confié Michael Sabia en marge de la conférence.

L'an dernier, la Caisse avait justifié autrement sa vente massive d'actions. Selon Fernand Perreault, il était judicieux de réduire le poids des actions dans le portefeuille de la Caisse pour protéger son capital à la veille d'une probable chute des marchés. La Caisse avait alors nié les reportages qui faisaient état d'une vente de feu des actions pour résorber un manque criant de liquidités. «C'était les deux», a dit Michael Sabia.

Dommage, parce que les gestionnaires de la Caisse ont très bien fait avec le peu d'actions qu'ils détenaient. Ils ont été particulièrement habiles avec leurs deux portefeuilles d'actions américaines (4,6% et 3,9% de mieux que les indices de référence) et leurs actions canadiennes (1,6% de mieux que l'indice).

«Notre engagement, c'est de travailler sans relâche pour reconstruire et renforcer la Caisse, afin que 2008 devienne non pas un souvenir heureux mais un souvenir lointain», a promis Michael Sabia.

Mais alors que la Régie des rentes du Québec, le deuxième déposant de la Caisse, contemple une douloureuse hausse de tarifs afin de faire face à ses obligations, le souvenir de 2008 et ses répercussions en 2009 sont encore bien frais en mémoire.

Pour joindre notre chroniqueuse: sophie.cousineau@lapresse.ca

 

10%

Rendement en 2009

131,6 milliards

Actif net de la Caisse au 31 décembre 2009

11,75 milliards

Augmentation de l'actif sur un an