Surtout aux États-Unis, où cette doctrine est née dans sa forme moderne au cours des années 60, le survivalisme connaît une renaissance singulière. Il s'extrait des milieux marginaux dans lesquels il est né et se répand, sous sa forme soft, dans les classes moyennes.

Ces messieurs et mesdames Tout-le-Monde qui accumulent à la fois des connaissances et des réserves se qualifient eux-mêmes de preppers, c'est-à-dire de «gens qui sont prêts».

 

Prêts au pire, bien entendu...

On ne possède pas de statistiques fiables à leur sujet. Mais, chez nos voisins du Sud, ils disposent de réseaux ainsi que de fournisseurs spécialisés dans les trousses de survie et autres nécessités post-apocalyptiques. «Tellement de désastres peuvent survenir que de s'y préparer est une réaction normale», dit (à Newsweek) un jeune camionneur de l'Idaho qui a fondé l'American Preppers Network, dont le site web reçoit 5000 visiteurs par jour.

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Et que craint-on au juste?

Il y a 50 ans, c'était l'holocauste nucléaire. Puis une deuxième vague importante est née de la peur du bogue de l'an 2000. Aujourd'hui, certains survivalistes craignent des désastres naturels, certes, comme celui qui s'est produit à Port-au-Prince. Mais surtout, ils anticipent des événements singuliers, hors de proportion. Une pandémie - pas une inoffensive grippette... Un débarquement d'extraterrestres. Ou une crise économique majeure.

Ainsi, un lecteur commente sur le blogue de l'édito de Cyberpresse: «Perso, j'ai une petite réserve me permettant de rester une à deux semaines sans sortir le nez de chez moi. J'ai vécu le déluge du Saguenay puis, juste après mon arrivée à Montréal, la crise du verglas.» On comprend que celui-là ait choisi la prudence!

Cependant, les vrais survivalistes sont plus ambitieux. Ils craignent l'effondrement complet et définitif du «système». La fin de la civilisation.

L'atome a déjà inspiré cette sorte de peur. Albert Einstein disait savoir comment la quatrième guerre mondiale serait menée, «avec des bâtons et des pierres»! Aujourd'hui, le résultat du cataclysme ultime serait celui que l'on voit dans le roman La Route, de Cormac McCarthy, porté au cinéma: un univers de décombres dans lequel de pauvres hères se battent pour une bouchée de pain.

Le «système» n'y existe plus, vaincu par on ne sait trop quel cataclysme.

Il devait fatalement s'effondrer, voilà tout, parce qu'il est intrinsèquement mauvais, comme on ne cesse de nous le répéter dans tous les médias. «Notre civilisation (est) incompétente», titrait encore il y a quelques semaines le Wall Street Journal, qu'on ne peut guère soupçonner d'être l'organe officieux du Black bloc!

En fait, ce à quoi nous ne survivrons peut-être pas, c'est au noir pessimisme que semble produire le «système» en quantité industrielle.