Au sortir d'une rencontre avec le secrétaire américain aux Transports, le premier ministre Jean Charest a annoncé la formation d'un groupe de travail conjoint sur d'éventuelles liaisons ferroviaires à grande vitesse de Montréal à New York et de Montréal à Boston. Ce vieux fantasme québécois, d'abord évoqué par Jean Drapeau il y a 25 ans, refuse donc de mourir.

Jusqu'ici, malgré les déclarations de certains politiciens, les Américains ont démontré peu d'intérêt réel pour ces projets. Dimanche, le secrétaire LaHood n'a pas fait montre d'un grand enthousiasme lui non plus. Certains couvaient l'espoir que les TGV États-Unis-Montréal reçoivent un coup de pouce des subventions de 8 milliards promises par le président Obama pour le transport par rail rapide. Or, de ces 8 milliards, les améliorations de la voie existante entre Montréal et New York ont reçu... 3 millions.

 

M. Charest a convenu que la plus grande partie du trajet, celle entre Albany et Montréal, n'intéresse pas les dirigeants américains parce qu'ils ne l'estiment pas rentable. D'où cette idée géniale: le gouvernement du Québec pourrait «étudier la possibilité de contribuer financièrement à rendre cette partie du trajet rentable». Voici donc qu'un gouvernement endetté par-dessus la tête voudrait financer une liaison ferroviaire déficitaire!

Il ne fait aucun doute que pour des raisons environnementales, les gouvernements canadiens doivent favoriser le train. Toutefois, la construction de voies rapides étant très coûteuse, il faut choisir ses priorités. Pour le Québec, cela devrait être simple: si TGV il y a un jour, ce sera entre Montréal et Toronto. C'est sur ce dossier que le gouvernement provincial devrait concentrer ses énergies.

Pourquoi entre Montréal et Toronto? Parce que les liens économiques entre les deux provinces sont bien plus imposants que ceux entre l'État de New York et le Québec. Parce que la clientèle potentielle est au moins deux fois plus importante (15 vols par jour Montréal-New York, cinq ou six Montréal-Boston, contre une trentaine entre Montréal et Toronto). Parce qu'un tel projet a beaucoup plus de chances de recevoir l'appui financier du gouvernement du Canada qu'un TGV vers les États-Unis. Cela dit, avant d'aller de l'avant, il faut s'assurer que la contribution de l'État se limitera aux infrastructures; l'exploitation du service doit être rentable.

L'enthousiasme de M. Charest pour le transport rapide vers le sud est d'autant plus étonnant qu'il s'inscrit mal dans sa stratégie de «nouvel espace économique» pour le Québec, une politique ambitieuse et originale qui vise, notamment, à diminuer la vulnérabilité de la province aux soubresauts de l'économie américaine. Dans ce contexte, le premier ministre ne devrait pas se laisser distraire par un projet dont tout indique qu'il ne se réalisera jamais.