Selon une croyance tenace, le Canada n'investit pas assez en recherche scientifique et en développement technologique. C'était vrai il y a quelques années, ce l'est beaucoup moins maintenant.

Des chiffres publiés hier par Statistique Canada montrent que le nombre de chercheurs affectés à des travaux de recherche et développement a augmenté en moyenne de 21% dans les pays du G7 entre 1998 et 2007. Au Canada, cette proportion est de 51%.

Cette augmentation, deux fois plus rapide que chez ses principaux concurrents, place maintenant le Canada dans le peloton de tête. Toutes proportions gardées, seuls les États-Unis et le Royaume-Uni comptent maintenant plus de chercheurs que le Canada, qui devance par ailleurs l'Allemagne, la France et l'Italie.

Le cas du Japon est plus complexe. À l'exception du Japon, tous les pays du G7 comptabilisent le nombre de chercheurs scientifiques en tenant compte de l'équivalent d'emplois à temps plein (autrement dit, deux chercheurs travaillant à mi-temps comptent pour un seul). Les chiffres publiés par le gouvernement japonais comptent tous les emplois de chercheurs, à temps plein et partiel, de sorte qu'ils sont largement gonflés. Selon les données publiées par le gouvernement japonais, on compte 10,7 chercheurs pour chaque tranche de 1000 travailleurs. Par contre, calculés en équivalent temps plein, les chiffres correspondants sont de 9,4 aux États-Unis, 8,3 au Royaume-Uni et 7,9 au Canada. On peut facilement penser que, si le Japon appliquait la même méthodologie que les autres, il obtiendrait des résultats comparables, au mieux, à ceux du Canada.

Avec plus de 1,4 million de chercheurs, les États-Unis demeurent, et de loin, les champions toutes catégories de la recherche scientifique. En 1998, pour chaque chercheur canadien, on comptait 13 chercheurs américains. En 2007, cette proportion était passée à un pour 10. Évidemment, étant donné la taille des deux pays, le Canada ne rejoindra jamais son voisin, mais le rattrapage se fait assez bien sentir.

En plus de ses 143 000 chercheurs qui, selon la définition de Statistique Canada, «travaillent à la conception ou à la création de connaissances, de produits, de procédés, de méthodes et de systèmes nouveaux», le Canada comprend aussi 57 000 techniciens et 29 000 autres employés directement associés à des projets scientifiques ou technologiques. En tout, le personnel affecté à la recherche et développement, au Canada, comprend donc 229 000 personnes, en hausse de 55% depuis 1988.

Mais où travaillent donc tous ces gens?

D'abord, dans des entreprises commerciales privées et publiques (ce qui inclut d'importantes sociétés d'État comme Hydro-Québec), d'origine canadienne ou filiales d'entreprises étrangères. À elles seules, ces entreprises embauchent 65% du personnel scientifique au Canada (148 000 emplois, le plus souvent dans des secteurs de pointe comme la pharmaceutique, l'informatique, l'aéronautique, les biotechnologies). C'est essentiellement grâce à l'effort de recherche des entreprises que le Canada est parvenu à se hisser dans le peloton de tête de la recherche scientifique. Entre 1998 et 2007, la croissance du personnel de recherche et développement dans les entreprises canadiennes a atteint 72%, un rythme largement supérieur à la moyenne nationale.

L'autre grand secteur de la recherche, c'est l'enseignement supérieur, et notamment la recherche universitaire, qui emploie 26% du personnel scientifique (60 000 emplois), en hausse de 36%.

Le troisième joueur de quelque importance, c'est le gouvernement fédéral, avec 7% des emplois (16 000), en hausse de 14%. Le reste est réparti entre les administrations provinciales et divers organismes à but non lucratif.

Les Québécois peuvent avoir l'impression de ne pas avoir leur juste part des dépenses scientifiques. C'est sans doute vrai si on ne retient que les chiffres de l'administration fédérale. Sur les 16 000 emplois en recherche et développement du gouvernement fédéral, 9000 sont situés en Ontario (dont 6000 à Ottawa) et 3000 au Québec (dont 600 à Gatineau-Hull). Mais le fédéral, on vient de le voir, ne compte que pour 7% des emplois scientifiques.

Si on considère l'ensemble de l'emploi, le Québec, étant donné son poids démographique, ressort comme le grand gagnant. Une ventilation par province nous apprend en effet que le Québec, avec 23% de la population canadienne, compte pour 31% des emplois scientifiques. L'Ontario également tire bien son épingle du jeu avec 39% de la population et 45% des emplois en recherche et développement. Cela n'en laisse pas beaucoup pour les autres. Les Maritimes comptent pour 7% de la population, mais ne retiennent que 4% des emplois scientifiques. Les quatre provinces de l'Ouest, enfin: 31% de la population, mais seulement 20% des emplois scientifiques.