Cela faisait plusieurs mois que les spécialistes s'y attendaient, et la nouvelle est tombée, hier, lourde de conséquences. En 2009, pour la première fois en 34 ans, et pour une des très rares fois de son histoire, Statistique Canada annonce un déficit commercial.

Les exportations canadiennes ont atteint 369 milliards de dollars, en dégringolade de 25% par rapport aux 490 milliards de 2008. Vingt-cinq pour cent, la chute est vertigineuse. Certes, pendant la même période, les Canadiens ont réduit leurs achats à l'étranger de 16%, ce qui a un peu atténué la détérioration du solde commercial.

Il en résulte un déficit de 4,8 milliards, montant qui, au fond, ne semble pas si tragique, surtout si on se compare aux États-Unis. Le déficit commercial américain frise les 520 milliards US; toutes proportions gardées, la situation est donc bien plus grave au sud de la frontière.

En réalité, ces 4,8 milliards camouflent une véritable tragédie.

Traditionnellement, les exportations ont toujours représenté un des plus solides piliers de l'économie canadienne. Année après année, la vigueur des exportations permettait au Canada de dégager de solides surplus commerciaux: 47 milliards en 2008, 48 milliards l'année d'avant, 50 milliards en 2006, et même un record de 71 milliards en 2001. Tout cela, la différence entre les exportations et les importations, c'est de l'argent frais qui entre au Canada et contribue à créer des emplois et de la prospérité.

À côté de cela, il saute aux yeux qu'un déficit, si petit puisse-t-il sembler, est une mauvaise nouvelle.

Un coup d'oeil plus détaillé sur les chiffres mensuels nous montre que le malaise est profond. En 2009, on n'observe que quatre surplus mensuels, et ces surplus sont tellement maigres (le plus important, en mars, atteint 1,1 milliard; le plus petit, en juin, 182 millions) qu'ils sont largement insuffisants pour couvrir les déficits des huit autres mois. Quand on pense que les surplus, en 2008, atteignaient en moyenne 4 milliards par mois!

Que s'est-il passé?

C'est la faute aux Américains.

Le Canada a toujours été déficitaire dans ses échanges avec l'ensemble de ses partenaires (Europe, Japon, Chine, Amérique latine), mais ce déficit était plusieurs fois compensé par un énorme surplus avec les Américains.

Or, c'est ce surplus qui a fondu comme neige au printemps. En 2008, l'excédent canadien avec les États-Unis s'élevait à 89 milliards; en 2009, il est tombé à 34 milliards, un effondrement de 61%; autrement dit, en une seule année, ce sont presque les deux tiers du riche marché américain qui se sont dérobés aux exportateurs canadiens. Le déficit canadien à l'égard de tous ses autres partenaires est de 39 milliards, d'où le trou de 4,8 milliards.

Les consommateurs et les entreprises américaines ont réduit leurs achats dans tous les secteurs (biens industriels, produits de l'automobile, machinerie et équipement).

Mais la plus forte baisse concerne les produits énergétiques (pétrole et gaz naturel), où les ventes sont passées de 126 à 79 milliards, en chute de 37%. Ce n'est pas parce que les Américains n'achètent plus de pétrole canadien, c'est parce que les prix ont baissé. Mais l'effet est le même: moins d'argent qui entre au Canada.

On peut toujours se consoler en pensant que l'effondrement des exportations n'a pas entraîné de catastrophe sur le marché du travail. Après tout, un emploi sur trois, au Canada, dépend du marché américain.

Or, entre 2008 et 2009, le nombre d'emplois au Canada est passé de 17,1 à 16,8 millions, et le taux de chômage est passé de 6,1 à 8,3%. Il y a donc eu détérioration du marché du travail, mais jamais dans les proportions dantesques qu'on aurait pu supposer avec la chute des ventes sur le marché américain.

Si le Canada a pu éviter la catastrophe, c'est à cause de la demande intérieure; autrement dit, les consommateurs et les entreprises achètent de plus en plus de produits canadiens, prenant ainsi la relève des Américains.

Enfin, l'occasion est bonne de rappeler que, contrairement à une opinion largement répandue, le lien entre le taux de change et les exportations est loin d'être symétrique.

Entre 2008 et 2009, la valeur du dollar canadien est passée de 88 à 94 cents US, une variation de 7%. Cela est loin d'être suffisant pour expliquer la baisse de 61% du surplus commercial avec les États-Unis.

 

COMMERCE INTERNATIONAL DU CANADA

(milliards $)

2008 /2009

Exportations 490 /369

Importations 443/ 374

Solde 47/ (5)

Source : Statistique Cana