Décidément, les grandes rencontres pour débattre des enjeux du Québec de demain sont à la mode. Après la Rencontre économique 2010, qui s'est déroulée à Lévis fin janvier, c'est au tour du Focus stratégique du Québec 2010 de se tenir à Montréal le 22 avril.

Première réaction à chaud: après le verbiage de Lévis, qui a envie de revivre pareille expérience?

En privé, les organisateurs de ce nouveau Focus stratégique, un noyau de consultants de la firme Secor qui s'est associé à la chambre de commerce du Montréal métropolitain, vous le confieront. Ils ont été un peu catastrophés lorsqu'ils ont appris que le premier ministre Jean Charest conviait le Tout-Québec à un pow-wow sur l'avenir de la province au Centre des congrès de Lévis. Cela fait 18 mois qu'ils planchent sur une rencontre qui vise à secouer les puces du Québec.

Les deux événements partent en effet du même constat, bien que vous puissiez compter sur Marcel Côté, associé fondateur de Secor, pour le dire d'une façon plus franche. «Depuis un certain temps, le Québec est une société qui se cherche», dit-il.

«Comment relancer la société? poursuit-il. Comment retrouver ce goût d'agir qu'on avait dans les années 60?» Il ne s'agit pas d'une nostalgie mal placée. Il suffit d'assister à une soirée avec des jeunes et des un peu moins jeunes pour constater à quel point certains des cerveaux les plus aiguisés et créatifs du Québec s'exilent à Mexico, à Hong-Kong ou à Barcelone pour trouver des défis à la mesure de leurs talents et de leurs ambitions.

Où sont les grands projets qui, en ce moment, font rêver les Québécois? Il faut chercher.

Mais là s'arrêtent les similitudes. Autant dans l'esprit que la forme. Alors qu'à la rencontre de Lévis, les leaders de tous les horizons du Québec étaient réunis à l'invitation du premier ministre, la rencontre de Montréal se veut apolitique.

Et elle rassemblera des chefs d'entreprise qui ne sont pas fréquemment associés, dans les yeux du public, aux grands débats de société. Du nombre se trouvent notamment Jean-Marc Eustache (Transat), Éric Richer La Flèche (Metro), Gilbert Rozon (Groupe Rozon) et Michael Sabia (Caisse de dépôt et placement du Québec).

«C'est un exercice de mobilisation de la société civile», dit Michel Leblanc, président de la Chambre de commerce. «C'est une initiative privée, ce n'est pas un point de vue guidé par des politiciens», renchérit Marcel Côté.

Surtout, près de la moitié des 300 participants invités seront des jeunes de moins de 40 ans qui débattront entre eux avant de confronter leurs idées à celles de leurs aînés. «Notre génération se pose beaucoup de questions sur l'avenir du Québec et le rôle que l'on peut y jouer», dit Sylvie Bovet, directrice de la bannière Sauvé, du Groupe Bovet, et membre du comité consultatif de cette rencontre. Âgée de 33 ans, Sylvie Bovet est l'arrière-petite-fille de Victor Bovet, qui a fondé en 1907 le premier magasin de vêtements de ce détaillant, rue Ontario.

Cela semble aller de soi de discuter de l'avenir du Québec avec les jeunes, qui sont les premiers concernés. Mais cette évidence avait échappé aux organisateurs de la rencontre de Lévis. En ce sens, la rencontre de Montréal est à Lévis ce que Porto Alegre est à Davos: aux antipodes.

Cette grande discussion paraît bien engagée. Mais qu'en sortira-t-il? Surtout, qu'en restera-t-il lorsque la poussière retombera? Ce n'est pas la première fois qu'un groupe espère réinventer ou relancer le Québec!

Les débats sur la main-d'oeuvre, sur le rôle et l'efficacité de l'État et sur le dynamisme des entrepreneurs devraient accoucher de propositions concrètes, assurent les organisateurs de Focus stratégique. Et les participants auront l'occasion de se prononcer dessus. De sorte que la rencontre devrait produire une courte liste de priorités, le mot clé étant courte. On a déjà hâte de la parcourir.

Il y a urgence. Dans trois ans, soit en 2013, il y aura plus de travailleurs qui quitteront le marché de l'emploi que de personnes qui y entreront. Alors que les finances publiques du Québec sont déjà éprouvées, cela annonce de biens mauvais lendemains.

Mais qui prendra le ballon? «Nous allons donner notre point de vue, dit Marcel Côté. La mise en oeuvre se fera par le gouvernement ou les syndicats. Ces acteurs-là sont influencés par le débat public.»

Présenté autrement, c'est encore un grand acte de foi.