«Je laisse l'équipe que j'aime le plus entre les mains de l'homme en qui j'ai le plus confiance.»

La passation des pouvoirs entre Bob Gainey et son bras droit, Pierre Gauthier, est l'illustration parfaite d'un vieux cliché: «Le changement dans la continuité».

Comme Gainey, le nouveau directeur général du Canadien est arrivé à Montréal à l'été 2003. Depuis, pour reprendre l'expression de Gainey, les deux hommes ont travaillé «épaule contre épaule» pour faire du Tricolore un aspirant légitime à la Coupe Stanley.

Ils ont échoué.

Gainey tire sa révérence avec une fiche correcte de 241-176-44-7. Sous sa gouverne, le CH a fini une fois premier dans l'Association de l'Est. Mais la saison 2007-08 a été l'exception, pas la règle. Le CH a aussi terminé deux fois septième, une fois huitième et une fois dixième. Rien pour se péter les bretelles.

Pierre Gauthier, on le comprend, a tendance à voir le verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide. «Si on fait le bilan, on a fait les séries presque toutes les années. Le club a été le meilleur de l'association, il y a deux ans», a-t-il fait valoir.

La réalité, c'est que les années Gainey, qui sont aussi les années Gauthier, ont été celles de la stagnation. Vrai, le Canadien est sorti de la profonde médiocrité qui avait été son lot au tournant du millénaire. Mais il est devenu une équipe de milieu de peloton, jamais franchement pourrie, mais rarement brillante. Son dossier en séries en témoigne: en quatre participations, le Canadien a été éliminé deux fois en première ronde, a connu deux fins rapides au deuxième tour et a maintenu une fiche globale de 11-22.

Le fameux plan quinquennal de Bob Gainey n'a jamais permis au Canadien d'atteindre l'objectif que Pierre Gauthier s'est fixé hier: propulser le club dans le «premier tiers» de la LNH, ces équipes qui «se préparent chaque année pour les séries au lieu d'être pris dans le milieu à se demander si elles vont les faire».

Les performances du tandem Gainey-Gauthier ont été à l'image de celles de l'équipe. Les changements d'entraîneur n'ont pas toujours donné les résultats escomptés. Les bonnes transactions (les acquisitions d'Alex Kovalev, Cristobal Huet, Josh Gorges et Benoît Pouliot) côtoient les mauvaises (José Théodore contre David Aebischer) et les catastrophiques (Mike Ribeiro contre Janne Niinimaa). Au rayon des joueurs autonomes, le duo n'a pas toujours eu la main heureuse. Pour un Roman Hamrlik, combien de Sergei Samsonov et de Georges Laraque?

Une ville exigeante

Gainey et son adjoint n'avaient pas une tâche facile, c'est vrai. Privés de Coupe Stanley depuis 1993, les partisans du Canadien sont exigeants. Les médias aussi. Quand la moindre série de trois défaites déclenche une crise nationale, il est difficile d'imiter les Penguins, ou encore les Nordiques d'antan, qui ont regarni leur banque d'espoirs en passant des années dans la cave du classement. Un scénario que Pierre Gauthier écarte d'ailleurs catégoriquement.

De band-aids en solutions temporaires, le Canadien s'est maintenu à flot jusqu'à l'été dernier, quand Gainey a finalement décidé de faire un grand ménage qui aurait dû être entrepris beaucoup plus tôt. Exit les Koivu, Kovalev et autres Tanguay et Bouillon. Il a laissé partir la moitié de l'équipe et s'est lancé sur le marché des joueurs autonomes avec une ardeur qu'on ne lui soupçonnait plus.

Cette transformation de l'équipe était nécessaire. Mais elle s'est faite de façon si brutale qu'il était écrit dans le ciel que l'équipe mettrait du temps à trouver sa cohésion. Et c'est ce qui s'est produit cette saison, les absences prolongées d'Andrei Markov, Brian Gionta, Andrei Kostitsyn et Michael Cammalleri venant compliquer encore davantage la tâche de Jacques Martin.

Pierre Gauthier se dit «très à l'aise» avec les nombreux changements apportés à la formation depuis un an. «On va pouvoir accéder au premier tiers de la ligue très rapidement avec le groupe qu'on a et les espoirs de l'organisation», a-t-il dit.

C'est la grâce qu'on lui souhaite. Car les nouveaux propriétaires de l'équipe sont aussi d'ardents partisans. Une source bien informée me rapportait que lors d'un événement public récent, Geoff Molson ne cachait pas son impatience. Il veut voir le CH ramener la Coupe à Montréal ou, au minimum, faire deux ou trois rondes éliminatoires dès cette année. «Ça fait longtemps, il est temps qu'il se passe quelque chose avec cette équipe», disait-il.

Il serait tentant d'en déduire que Gainey a été poussé vers la porte, qu'il a préféré s'en aller pour éviter d'être limogé, un peu comme André Savard en 2003. Mais si les Molson étaient insatisfaits de Gainey au point de réclamer son départ, pourquoi le remplacer par un homme qui a participé à la plupart des décisions de l'organisation au cours des dernières années? Ça ne colle pas.

Bob Gainey vient de donner plus de six ans de sa vie au Canadien. Une période marquée au fer rouge par le cauchemar de tout parent, la mort tragique de sa fille. À la fin de sa rencontre avec les médias, hier, ses yeux rougis trahissaient l'émotion qu'il ressentait. On peut être d'accord ou non avec les décisions qu'il a prises au fil des ans, mais il y a une chose dont on ne peut pas douter: Monsieur Bob a toujours aimé profondément le Canadien de Montréal.