Les prix de l'immobilier sont repartis à la hausse au Royaume-Uni. Au coeur de Londres, on croirait revivre la bulle d'avant la crise financière. Pourtant, l'économie britannique végète et inquiète beaucoup.

Question: dans quelle ville la location de bureaux coûte-t-elle le plus cher? Shanghai, Sydney, New York?

Aucune de ces réponses. C'est plutôt le quartier West End, à Londres, qui était en janvier le marché de bureaux le plus cher du monde, selon la firme britannique DTZ Research. Ce secteur convoité, où est installé le Parlement anglais notamment, est redevenu «hot» après être tombé à la cinquième place il y a un an.

Mais il n'y a pas que le marché commercial qui s'anime. Le prix des maisons de luxe au centre de Londres - soit plus de 1 million de livres (1,7 million CAN) - a bondi de 11,5% depuis un an, d'après la firme Knight Frank LLP.

Même à l'échelle nationale, le marché s'améliore grandement. Les prix des maisons ont progressé fortement et plus que prévu en janvier, gagnant 1,2% sur le mois et 8,6% sur l'année - leur plus forte progression en deux ans, selon la banque Nationwide.

Spéculation

Le rebond de l'immobilier dans la capitale anglaise laisse croire que la crise financière, qui a entraîné la perte de 50 000 emplois uniquement dans la City, le centre financier londonien, n'est plus qu'un mauvais souvenir et que tout est revenu à la normale au pays de Sa Majesté.

Or, ce regain de vie est trompeur. Il témoigne plutôt de la passion légendaire et incorrigible des Britanniques pour la spéculation immobilière, sur le marché londonien en particulier.

À preuve, le fonds Prime London Capital Fund, qui investit dans l'immobilier haut de gamme au centre de Londres, a vu son actif sous gestion tripler depuis un an à 40 millions de livres. Signe que les spéculateurs rôdent de nouveau dans les parages, disent des experts interrogés récemment par l'agence Bloomberg.

De plus, des facteurs techniques ont gonflé artificiellement les prix des maisons. Entre autres, Nationwide explique que les acheteurs se sont précipités pour conclure leurs transactions à la fin de 2009, afin d'échapper au retour en janvier d'une taxe immobilière que le gouvernement avait retirée l'an dernier pour atténuer les effets de la crise.

La firme IHS Global Insight a aussi remarqué que «les prix de l'immobilier avaient été aussi grandement soutenus par le manque de nouveaux bâtiments à vendre», les propriétaires attendant le retour de prix plus attractifs pour vendre.

Finie la récession?

Hormis son secteur immobilier, l'économie britannique, plus que celle des autres pays du G7, a en réalité beaucoup de mal à se remettre en marche.

Officiellement, la récession est finie: après six trimestres consécutifs de contraction économique, le Royaume-Uni a retrouvé la croissance, plusieurs mois après les États-Unis, le Japon ou l'Allemagne. Mais il s'en est fallu de peu.

L'économie a crû de 0,1% au dernier trimestre 2009, a-t-on appris récemment. Mais les «Brits» n'ont pas de quoi fêter au pub du coin, car les économistes s'attendaient à beaucoup mieux, soit un rebond de 0,4%.

Chaud-froid. Voilà en fait la température de l'économie britannique, qui vit une reprise hésitante.

Les revenus des ménages stagnent, le crédit bancaire est toujours peu abondant et le plan d'austérité budgétaire, qui a entraîné une hausse de la taxe à la consommation, risque de ralentir la croissance, attendue à seulement 1,25% cette année.

«Le Royaume-Uni est peut-être sorti officiellement de la récession, mais il est loin d'être sorti de l'auberge économique», affirme IHS Global Insight dans une étude.

La récession, amorcée au printemps 2008, a fait basculer cette économie de 6%. C'est le repli le plus sévère depuis les années 30. La côte à remonter est donc énorme. Et, surtout, l'état des finances publiques inquiète beaucoup.

Le gourou financier Bill Gross, patron du plus grand acheteur mondial d'obligations, la firme Pimco, vient de jeter une douche glaciale sur les Britanniques. Parmi les pays à fuir en raison de leur endettement, le plus menacé est le Royaume-Uni, qui «se repose sur un lit de nitroglycérine», dit-il.

De fait, il y a des raisons de s'inquiéter: la dette totale du pays est la plus élevée du monde avec celle du Japon. Des experts craignent aussi un retour à la récession en 2010, vu la faiblesse du secteur manufacturier notamment.

Bref, l'immobilier britannique repose sur un sol friable. Avant de miser ses économies sur un condo dans le West End, mieux vaut attendre un peu.