L'école doit-elle former des lecteurs ou faire découvrir la littérature aux élèves?

Vaste question soulevée dans notre numéro de samedi dernier. Les articles de nos collègues Rima Elkouri et Ariane Lacoursière montraient bien qu'il existe deux écoles de pensée à ce sujet.

D'une part, il y a ceux qui souhaitent que les jeunes lisent à tout prix: pour y arriver, ils sont prêts à abaisser les exigences pour séduire le plus petit dénominateur commun. Ils ont toujours de bonnes raisons: «Les élèves proviennent de milieux défavorisés, ils ont peur de l'effort, si c'est trop difficile, ils ne le liront pas...» Ces enseignants choisissent donc des oeuvres mineures, des titres dont on ne parlera probablement plus dans cinq ans. Pourquoi baisser les bras ainsi? On ne fait pas visionner Les Simpson pour enseigner l'histoire contemporaine des États-Unis. Dans ce cas, pourquoi choisir des «romans d'aéroport» pour former l'esprit critique des adolescents?

 

Heureusement, il y a encore plein d'enseignants allumés et motivés qui ont envie de faire découvrir la littérature à leurs élèves. Ils lisent à voix haute, expliquent, soulignent, mettent en contexte. Vrai, ils proposent parfois un premier livre plus accessible (voir la lettre que nous publions aujourd'hui), mais c'est un «piège» qui mènera les étudiants beaucoup plus loin. Ces enseignants-là ont compris que leur rôle était celui d'un guide, d'un «allumeur de réverbères», pour reprendre une citation bien connue tirée d'un livre qui n'est plus au programme...

Bien entendu, si on donnait le choix aux élèves, qu'ils proviennent d'une école publique en milieu défavorisé ou d'un collège privé très huppé, ils choisiraient majoritairement la facilité. Entre Camus et Archie, entre les romans à l'eau de rose et ceux de Gabrielle Roy, pas besoin d'être devin pour savoir quels titres seraient les plus populaires.

C'est là que le rôle de l'école prend tout son sens: éveiller, stimuler, proposer, enseigner, accompagner les élèves sur un chemin semé d'embûches.

Or avec les années, il semble que certains professeurs de français aient abandonné l'idée de faire aimer la littérature aux jeunes et se contentent désormais de «former» des lecteurs fonctionnels qui seront capables de lire la garantie de leur futur ordinateur, la circulaire de l'épicerie et l'horaire d'autobus. C'est triste.

L'école doit dépasser l'aspect pratico-pratique de la lecture et s'acquitter d'une tâche beaucoup plus noble: celle d'élever les esprits, de mettre les jeunes en contact avec un vocabulaire, des textes et des idées qui les confrontent. Pour cela, toutefois, il faut mettre au programme des livres à la hauteur.

Et qu'on ne vienne surtout pas dire qu'il est élitiste de réclamer de l'école qu'elle pousse les jeunes à se dépasser. Plus les enseignants se mettront au niveau des soi-disant capacités des élèves, plus la qualité de notre système d'éducation en souffrira.

nathalie.collard@lapresse.ca