Bombardés par des messages prébudgétaires, les Québécois se doutent bien qu'ils devront se serrer la ceinture d'une façon ou d'une autre pour éliminer dans les prochaines années l'énorme déficit provoqué par la récession.

Par contre, nous disent les sondages, ils ne veulent pas qu'on aille fouiller dans leurs poches. Ils n'aiment pas l'idée des hausses d'impôt, ni celle de l'augmentation des tarifs. Ils favorisent plutôt le recours à des compressions budgétaires, invariablement dans les services dont ils n'auront pas personnellement besoin.

 

C'est dans ce contexte que l'idée d'imposer les hauts revenus, par exemple par l'ajout d'un nouveau taux d'imposition, fait son petit bonhomme de chemin. Mais ça ne peut pas marcher. Tout simplement parce qu'il n'y a pas assez de riches au Québec pour contribuer de façon significative à la réduction du déficit. Je donnerai les détails tout à l'heure.

Ce qui m'apparaît plus intéressant, c'est la dynamique du débat public qui contribue à rendre ce genre de solutions populaires. Au départ, l'idée plait à la gauche traditionnelle, comme à la présidente de la CSN Claudette Carbonneau, pour qui faire payer les riches est une sorte de mantra, reposant sur le principe que la justice sociale sera mieux servie par une meilleure redistribution de la richesse.

Mais il y a d'autres mécanismes en jeu. D'abord, le fait que les gens ont tendance à privilégier les mesures qui ne les pénalisent pas et qui frappent les autres, le syndrome du pas-dans-ma-cour. La grande majorité des Québécois ne se définissent pas comme fortunés. Par définition, les riches, ce sont donc les autres.

Ensuite, la recherche désespérée d'une panacée, d'un truc qui ferait disparaître le déficit sans douleur. Pour certains, aller chercher l'argent qui dort à Ottawa. Depuis quelque temps, l'espoir qu'une lutte contre la corruption dans la construction fasse apparaître des milliards par magie. Ou encore faire payer les riches.

Sur le plan des principes, l'idée se défend. Il est normal qu'en période de crise, on demande à ceux qui en ont les moyens de faire un effort additionnel. D'autant plus que les mesures privilégiées par le gouvernement Charest - la hausse de la TVQ ou l'augmentation des tarifs - affecteront moins, en proportion, les contribuables plus fortunés. Au nom de l'équité, il faut trouver une façon qu'ils fassent leur juste part.

Voilà pour les principes. Mais ça ne réglera pas le problème du déficit. Combien de gens déclarent des revenus de plus de 100 000$? Pas des tonnes: 188 423 en 2006. À peine 3,2% des 5,9 millions de contribuables. Et contrairement à ce que l'on croit, ils paient 29% du total des impôts, neuf fois plus que leur poids démographique.

Mais on conviendra qu'à 100 000$ par année, on n'est pas un scheik arabe. Montons d'un cran. À un niveau de revenu de 150 000$, on commence à être riche, du moins par apport à la moyenne. Il y a cependant pas mal moins de monde: 70 500 contribuables, 1,2% du total. Ce n'est pas beaucoup. Même en les écrasant sous les impôts, la récolte serait limitée. Par exemple, une hausse de leurs impôts de 10%, soit environ 5000$, ce qui est énorme, ne procurerait que 350 millions. Avec des conséquences néfastes, à moins de vouloir gérer le Québec à la cubaine.

Il y a deux morales à cette chronique. D'abord, la meilleure façon de faire payer les riches, ce n'est pas de pressurer à l'excès ceux que l'on a, mais plutôt de prendre les moyens pour en avoir plus, en créant de la richesse. Ensuite, une société qui veut des services publics étendus doit finir par accepter d'en payer le prix.