Les Grecs frappent désespérément à sa porte, pendant que les Portugais et les Espagnols font la queue derrière. Et l'Amérique d'Obama lui fait toujours les yeux doux, la main tendue. Bref, le monde quémande au banquier de la planète: la Chine.

Une vingtaine de jours! Trois petites semaines.

Voilà tout le temps qu'il faut à la Chine pour amasser l'argent nécessaire pour financer le prochain gros emprunt de la Grèce, qui tente désespérément de surnager dans une mer de dettes.

Malgré les démentis des Grecs, Athènes aurait en effet pris contact avec le gouvernement chinois, la semaine dernière, pour lui vendre 25 milliards d'euros (38 milliards CAN) d'obligations, selon diverses sources.

La Grèce est au bord du précipice, sur le plan budgétaire, et elle a besoin de fonds pour financer les opérations de l'État à court terme.

Vingt-cinq milliards d'euros. C'est beaucoup d'argent pour le reste du monde. Mais la Chine amasse une telle somme dans ses réserves monétaires internationales en trois semaines - le temps pour l'Histoire de cligner des yeux.

C'est dire à quel point l'empire du Milieu est devenu une machine à imprimer de l'argent et jouit désormais d'un poids énorme sur la planète économique.

2500 milliards US

La décision de la Grèce de quémander aux portes de Pékin ne devrait surprendre personne. Après les dégâts causés en Occident par la crise financière, la capitale chinoise est désormais la destination de choix pour les pays en manque de sous.

Avec plus de 2500 milliards US dans ses coffres, la Banque centrale de Chine détient le plus gros portefeuille de réserves de change au monde.

Selon le Fonds monétaire international (FMI), au troisième trimestre 2009, les réserves de change détenues par tous les pays représentaient la bagatelle de 7500 milliards US. La Chine détient donc au moins le tiers de cette cagnotte et sa part augmente chaque jour.

Ces liquidités proviennent surtout des ventes de produits manufacturés que les usines chinoises expédient partout. Comme tout bon père de famille, les banques centrales réinvestissent leurs deniers dans des devises ou obligations étrangères et les Chinois, comme les autres, cherchent à faire fructifier leur butin.

Pour l'instant, les réserves chinoises sont composées surtout de valeurs libellées en devises américaines: la Chine détient des titres de l'Oncle Sam pour une somme variant de 1500 à 1800 milliards US, ce qui lui rapporte un très faible rendement avec les taux actuels. Mais cela ne fait plus l'affaire.

Pour des motifs financiers et sans doute politiques, la Chine a entrepris de diversifier son portefeuille: elle a prêté l'an dernier plus de 100 milliards US à des pays d'Afrique, d'Europe de l'Est et d'Amérique latine, selon le FMI. Même des sociétés pétrolières russes, les coffres dégarnis après la chute des prix du brut en 2009, ont obtenu des prêts de 25 milliards US des Chinois.

À mon tour...

Entre-temps, les problèmes financiers de la Grèce s'aggravent. La semaine dernière, les marchés financiers étaient extrêmement nerveux et les taux sur les titres d'emprunts grecs ont monté en flèche, menaçant de déclencher une autre crise financière.

Dégradé par les agences de notation de crédit et pressé par ses voisins européens, le gouvernement grec a récemment promis de redresser ses finances. Athènes compte ramener son déficit budgétaire, estimé à quelque 12,7% du produit intérieur brut (PIB) en 2009, à 3% en 2012. Mais beaucoup d'économistes doutent que cela va se produire. Or, la Grèce n'est pas la seule à connaître des problèmes financiers.

La semaine dernière au sommet de Davos, le réputé économiste Nouriel Roubini s'est montré très pessimiste sur l'avenir de la zone euro. Il estime que l'Espagne notamment est en situation «très difficile» et constitue «un risque très important».

Le Portugal et l'Irlande, deux autres cancres financiers de l'Europe, auront aussi besoin de milliards pour boucler leur budget. Et les Américains vont émettre une somme record d'obligations cette année pour financer leur énorme déficit. On sait déjà vers qui tout ce beau monde tendra la main.

Le guichet automatique chinois est ouvert. Mais pour combien de temps? Va-t-on un jour fermer le robinet pour certains clients devenus trop risqués?

Chose certaine, mieux vaut se précipiter maintenant. Comme dit le proverbe: on ne meurt pas de ses dettes, on meurt de ne plus pouvoir en accumuler.