À deux semaines du début des Jeux olympiques de Vancouver, Marcel Aubut l'avoue: il est nerveux.

«Mets-en que je suis nerveux! lance le président désigné du Comité olympique canadien, au bout du fil. Mais en même temps, c'est un sentiment d'exaltation, d'enthousiasme et d'excitation incroyable. Avoir des Jeux chez toi en étant président désigné du COC, je ne revivrai jamais ça. C'est toute une responsabilité, mais quel thrill!»

Nerveux, donc, mais certainement pas paniqué. Même la météo trop clémente qui fait fondre à la vitesse grand V la neige de Cypress Mountain, site des compétitions de ski acrobatique et de surf des neiges, ne semble pas l'inquiéter. Près d'un millier de ballots de paille ont été installés en catastrophe pour remplacer la base de neige damée inexistante, tandis qu'une équipe de 45 personnes déploie des efforts colossaux, 24h sur 24, pour transporter de la neige en provenance d'un sommet voisin.

«Depuis que j'ai été élu à la tête du COC, je siège au conseil d'administration du comité organisateur des Jeux (COVAN), dit-il. J'ai vu leurs plans B, C et D. Tout a été prévu pour que rien ne puisse brouiller les cartes. C'est plus compliqué, ça sera moins naturel, mais les plus grands experts du monde sont sur place pour que ça fonctionne.»

Au-delà du défi ponctuel que pose la météo, c'est tout l'avenir du sport de haute performance canadien qui se jouera au cours des prochaines semaines. Athlètes, entraîneurs et dirigeants des fédérations sportives attendent avec impatience de savoir si le prochain budget fédéral, qui doit être déposé le 4 mars, moins d'une semaine après la fin des Jeux, répondra à leur demande d'accroissement du financement d'À nous le podium (ANP).

Créé au milieu de la décennie passée, ce programme d'aide aux sportifs de haut niveau cible spécifiquement les athlètes et les équipes ayant des chances de médaille. Il a signalé le début d'une petite révolution en rompant avec la tradition d'égalitarisme entre les sports qui prévalait jusque-là au Canada en matière de soutien aux athlètes.

Les résultats n'ont pas tardé: le pays a remporté 29 médailles aux différents championnats du monde de sports d'hiver, l'an dernier, ce qui lui a permis de devancer pour la première fois ses deux grands rivaux, l'Allemagne et les États-Unis (27 médailles chacun).

Le problème, c'est qu'après les Jeux, le financement provenant des provinces et des commanditaires du COVAN s'évanouira, d'où la demande de subsides annuels de 22 millions faite au gouvernement Harper, l'automne dernier.

Le COC espère que le Canada terminera au premier rang du classement des médailles lors des Jeux. Pour Marcel Aubut, il ne fait pas de doute qu'en atteignant cet objectif ambitieux, ou du moins en s'en approchant, la délégation canadienne risque d'influencer favorablement le fédéral. «Un environnement gagnant, c'est le jour et la nuit par rapport à un environnement non-gagnant, dit-il. Les grandes réalisations que je veux faire avec le COC sont basées sur un environnement gagnant. Ce sera 10 fois plus dur si on ne performe pas à la hauteur des trois premières nations.»

«Si on finit avec le plus grand nombre de médailles canadiennes de l'histoire, on va avoir un environnement gagnant. Ce ne sera plus la même game avec le gouvernement et les commanditaires. S'il y a un environnement gagnant, on va éviter le backlash habituel d'après les Jeux. On aura un argument massue pour convaincre nos partenaires.»

On devine qu'en coulisses, une campagne de lobby intensif est en cours. Marcel Aubut est un vétéran de ce travail de persuasion: il était au coeur des efforts qui, il y a deux ans, ont convaincu le gouvernement de verser 24 millions par année au programme Vers l'excellence, pendant d'ANP pour les sports d'été (les deux programmes ont depuis été fusionnés).

«Le plus dur n'est pas de faire inclure une mesure dans le budget, dit-il. C'est de s'assurer qu'elle y reste jusqu'au discours du budget. Présentement, nous pensons que notre demande est considérée à un haut niveau, mais il n'y a pas de garantie avant la dernière minute.»

Les prochaines semaines sont donc cruciales pour l'avenir du sport canadien, si on veut que les Jeux de Vancouver laissent un héritage durable et profitent davantage au sport et aux athlètes canadiens que ceux de Montréal et de Calgary. Et il semble bien que les athlètes devront faire leur part pour convaincre les politiciens de faire la leur.

Autrement dit, aide-toi et le ciel t'aidera. Dommage que ça ne fonctionne pas pour la météo.