Voilà ce qu'on sait du documentaire de Patric Jean, La domination masculine. On sait que le réalisateur belge a renoncé à venir au Québec, se disant menacé d'un attentat masculiniste; cette affirmation n'a pas été corroborée par la police. On sait également que l'oeuvre consigne des propos condamnables de masculinistes québécois piégés par le cinéaste; c'est exact, mais ça ne résume qu'une courte séquence du film.

On sait enfin que celui-ci est censé nourrir un sain débat; en réalité, il tente de fabriquer l'adhésion à un dogme non négociable.

 

Avant qu'il quitte l'affiche, il est utile de décrire ce que La domination masculine donne réellement à voir et à entendre.

Le film s'ouvre sur le pénis, en un remake de la symbolique phallique du phallus phallocrate. Cette allégorie date des années 60.

Une séquence est consacrée aux livres jeunesse dans lesquels, par exemple, Marie lave la vaisselle alors que Jean explore la jungle. Un éditeur québécois qui publierait aujourd'hui de telles énormités serait jeté en prison!

Ailleurs, on voit que le corps de la femme est, dans la pub, éhontément photoshoppé. Les premières dénonciations de cette manipulation ont été entendues à l'époque du airbrush, ancêtre mécanique de la retouche informatique.

Plus loin, on apprend que le féminisme est l'objet d'un backlash. C'est exactement ce qu'écrivait l'Américaine Susan Faludi... il y a presque 20 ans.

Enfin, les pires propos misogynes du film sont tenus dans deux séquences en noir et blanc tirées d'archives datant apparemment des années 60 ou 70. L'une d'elles, effrayante, fait entendre Léo Ferré (à qui l'on pardonne cet écart parce que, comme Roman Polanski, il est, ou était, un artiste).

En prime: il est dit dans le film que des hommes font de Marc Lépine, le tueur de Polytechnique, un héros.

Il s'agit d'une thèse couramment entendue (voir le blogue de l'édito dans Cyberpresse) et reprise dans l'ouvrage Le mouvement masculiniste au Québec, cosigné par Francis Dupuis-Déri, d'ailleurs présent à l'écran. Dupuis-Déri est l'homme devenu le porte-parole quasi-officiel du féminisme radical au Québec. Encore que «radical» ne soit pas le mot juste: il s'agit plutôt de féminisme «classique», celui des années 70, construit sur l'idéologie, la victimisation et l'affrontement (le féminisme contemporain est intellectuellement plus sophistiqué, politiquement plus pertinent et socialement plus utile).

Nonobstant tout cela, la séquence emblématique de La domination masculine est celle où l'on voit une jeune femme affirmer que, en matière d'hommes, sa préférence va aux «stéréotypes du passé». Les stéréotypes du passé, c'est en effet la matière première, la substantifique moelle, l'alpha et l'oméga du pamphlet cinématographique de Patric Jean.