Le gouvernement Charest a convié ses partenaires à une rencontre économique qui aura lieu ce soir et demain à Lévis. Cette rencontre ne porte pas sur les finances publiques, mais sur l'avenir économique, sur les façons de profiter de la sortie de crise, sur le chemin à parcourir dans les 20 prochaines années.

Un tel exercice est certainement nécessaire. Il est important de parler, dans une perspective de long terme, de productivité, de trouver des façons de mieux réussir à créer de la richesse. Mais il y a une étonnante disproportion entre l'importance de l'enjeu, sa complexité, et le moyen proposé.

 

Il est difficile de voir comment une «discussion ouverte» de quelques heures entre les partenaires habituels, annoncée à la dernière minute, puisse vraiment être autre chose qu'une séance d'information sur les réflexions du gouvernement et de ses partenaires des comités qu'il a formés depuis un an. Il faudra bien plus que cela pour nous faire progresser sur le chemin de la réussite économique.

Cela ne signifie pas pour autant qu'il aurait plutôt fallu organiser un sommet, une formule utile pour créer des consensus sur des objectifs précis, comme quand Lucien Bouchard a fait accepter le principe du déficit zéro.

Mais l'enjeu qui nous confronte est beaucoup plus ambitieux. Il s'agit de rendre l'économie québécoise plus productive, d'élever notre niveau de vie pour combler l'écart qui nous sépare de nos partenaires, pour être plus riches, collectivement et individuellement. Nous ne sommes pas vraiment parvenus à réaliser ce rattrapage du niveau de vie depuis trois décennies. Pour réussir là où nous avons échoué, il faudra de sérieux changements dans nos façons de faire et de penser.

Le Québec aura besoin de leviers puissants pour réussir un tel virage et le faire accepter. Une intervention majeure, comme la création d'une grande commission d'enquête sur l'avenir économique du Québec, serait très utile.

Je sais que les commissions d'enquête sont devenues une solution fourre-tout. Cependant, il y a commission et commission. Certaines enquêtent, comme celle du juge Gomery sur le scandale des commandites. D'autres désamorcent une crise, comme la commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables. Elles peuvent aussi analyser un problème et proposer des solutions, comme l'a fait, avec grand succès, Pierre Marc Johnson après l'effondrement du viaduc de la Concorde.

Mais parfois, de grandes commissions, plus solennelles, plus ambitieuses, sont là pour nous guider et pour redéfinir le futur. Je pense surtout à la Commission royale d'enquête sur l'union économique et les perspectives de développement du Canada, la commission MacDonald, commandée par le gouvernement Trudeau en 1982, dont le rapport a été remis au gouvernement Mulroney en 1985. Elle a eu un impact majeur, en proposant le libre-échange avec les États-Unis, en contribuant à repenser le modèle canadien de sécurité sociale.

C'est ce genre de commission qu'il nous faudrait. Pour aller plus loin dans le diagnostic sur l'économie, pour réfléchir aux solutions tant économiques que sociales, pour s'inspirer des expériences d'ailleurs, pour consulter, écouter, répondre aux craintes et rendre les réformes acceptables. Le Québec s'est déjà lancé dans un exercice aussi ambitieux avec la commission Bélanger-Campeau sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Il ne serait pas mauvais que l'on mette la même énergie sur notre économie.

Les mentalités ont changé. On parle maintenant sans gêne de création de richesse. Mais les résistances limitent la capacité d'action des gouvernements. Les travaux d'une commission pourraient être un outil précieux, pour fournir un diagnostic, pour proposer des stratégies, mais surtout, pour élargir les consensus et appuyer le nécessaire processus de changement par son autorité morale. Cela pourrait augmenter significativement les chances de succès du Québec.